JEFFERSON FAIT DE SON MIEUX
Nouvelle enquête pour Jefferson, un hérisson comme vous et moi ! Quatre ans après la mémorable expédition Ballardeau, la vie a repris son cours tranquille pour Jefferson. Jusqu’à ce coup de fil de Gilbert, le cochon :
- Jeff, viens vite !
- Comment ça, viens vite ? Tu es où ?
- Je suis chez Simone. Il y a un lézard.
- Il y a quoi ?
- Un truc qui cloche. Viens !
- Mais c’est où ? J’ai pas de voiture, moi.
Découvrant que la gentille lapine dépressive a disparu, les deux compagnons filent sur ses traces et au-devant de bien des ennuis.
OH HAPPY DAY
Anne-Laure Bondoux et Jean-Claude Mourlevat
Il ne devait pas y avoir de suite à Et je danse, aussi 2015. Je pensais que ce n’était pas une bonne idée, que l’ADN de Pierre-Marie Sotto et d’Adeline Parmelan était de s’écrire, or voilà qu’à la fin du roman ils allaient se rencontrer. Le jouet était donc cassé, à mon avis. Et puis quatre ans ont passé, pour nous, les deux auteurs, mais aussi pour nos deux personnages. Et nous nous sommes dit qu’ils avaient sans doute eu le temps de se rencontrer, mais aussi celui de se séparer. Et que leur correspondance pourrait reprendre. Nous nous sommes donc replongés avec un très grand bonheur dans cette écriture partagée et Oh happy day a vu le jour en mars 2020, juste avant le premier confinement. Pas de chance. Mais il suit sa route envers et contre tout.
Le début
Le 27 novembre 2018
De : Pierre-Marie Sotto
À : Adeline Parmelan :
Adeline,
Après quatre ans de silence, je ne sais plus comment m’adresser à toi. J’ai essayé le Chère Adeline, le Bonjour Adeline, le Hello Adeline et jusqu’au ridicule Coucou. Finalement j’ai estimé que le mieux, c’était Adeline. Écoute-moi : je ne veux te tourmenter en aucune façon avec cette reprise de contact. Je sais bien que je n’ai pas été grandiose au moment de notre séparation. Je ne viens pas mendier ton pardon. J’assume et je me tais. Je voudrais juste te demander une faveur. C’est une petite chose vraiment, tu vas voir : aurais-tu mis la main chez toi sur un carnet noir format 9×13. Je l’ai cherché en vain à mon retour et je n’ai pas osé te solliciter pour si peu, surtout après ma dérobade (appelons ça comme ça). Or il se trouve que j’avais noté sur ce carnet quelque chose que j’avais trouvé intéressant à l’époque. C’est une phrase de trois lignes pas plus, mais qui constituait dans mon esprit (à tort ou à raison) un possible déclencheur pour un nouveau roman. Seulement je l’ai oubliée, cette phrase
[...]JEFFERSON
Une histoire qui ne manque pas de piquants.
En ce radieux matin d’automne, le jeune hérisson Jefferson décide d’aller chez son coiffeur se faire rafraîchir la houppette. Comment pourrait-il imaginer, alors qu’il arrive plein d’entrain au salon Défini-Tif, que sa vie est sur le point de basculer ? Accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis, le brave Jefferson, 72 cm de frousse et de courage, est jeté dans une aventure qui le mènera, pour le meilleur et pour le pire, au pays des êtres humains.
Dans un polar haletant, parfois féroce, mais où dominent la tendresse, l’amitié et le bonheur de vivre, Jean-Claude Mourlevat aborde de façon inédite la question de notre rapport aux animaux.
C’est un grand plaisir de revenir à un roman jeunesse après deux titres destinés aux adultes. Ce petit hérisson qui veut aller chez le coiffeur me trottait dans la tête depuis des années en fait. Il ne restait plus qu’à développer un peu. Voilà qui est fait. Et je suis heureux d’avoir du même coup écrit mon premier polar ! Car c’en est un, avec crime, enquête et tout ce qui va avec. Heureux aussi d’avoir pu évoquer cette question qui me tient à cœur désormais : notre rapport aux animaux.
Le début
Le jeune hérisson Jefferson Bouchard de La Poterie acheva de ranger son logis en chantonnant des petits pom… pompom… pompom… à la façon des gens qui sont de très bonne humeur. Quand tout fut parfaitement en ordre, la balayette époussetée à la fenêtre et la pelle à ordures raccrochée à son clou, il programma son four pour que ses pommes de terre à la crème soient cuites à point pour son retour. Puis il enfila son veston, le boutonna au milieu, notant par la même occasion que cela faisait des plis dans le tissu à cause de son petit bedon qui poussait vers l’avant. Il faudrait qu’il freine un peu sur les gâteaux secs.
Il se vaporisa de parfum Sous-bois, laça dans l’entrée ses chaussures parfaitement cirées en posant tour à tour son pied droit puis son pied gauche sur le tabouret prévu pour cela, attacha son sac-à-dos sur ses épaules et sortit. Ce qui le mettait en joie ce matin-là était peu de chose : il avait décidé de se rendre chez son coiffeur. Ça lui avait sauté aux yeux alors qu’il faisait sa toilette : sa gracieuse houppette était en bataille. Or, il détestait avoir l’air négligé. Voilà : il irait en ville se faire rafraîchir la houppette !
[...]
MES AMIS DEVENUS
Ouessant
Accoudé à l’embarcadère, un homme scrute la ligne d’horizon.
Dans quelques instants le ferry va se dessiner dans le lointain et lui apporter ses quatre amis. Le premier est comme son frère, mais il n’a pas revu les trois autres depuis quarante ans.
Le vent fouette son visage ; les mouettes crient ; le jour décline.
Lours’ est-il toujours une force de la nature ? Luce est-elle toujours aussi folle ? Mara ressemble-t-elle encore à celle qui l’avait ensorcelé, autrefois ?
Et lui-même, comment sera-t-il à leurs yeux ?
Qu’avons-nous fait de nos rêves ?
Que sont nos amis et nos amours devenus ?
Mes amis devenus est de tous mes romans, celui dans lequel il y a le plus de moi. J’ai puisé abondamment dans mes souvenirs d’enfance et d’adolescence. Mais j’ai transposé, bidouillé, réinventé, truqué, sublimé, bref j’ai fait mon travail d’écrivain. Il y a la nostalgie bien sûr, mais j’espère qu’on sera sensible tout autant à la drôlerie. Les deux vont ensemble je crois.
Extrait
[...]
Ma mémoire me ramène plusieurs fois, bien malgré moi, à cette scène qui concerne Mara et moi et qui a dans mon souvenir la violence d’un accident de la route :
Je travaille dans le poulailler, vêtu d’un short taché et de vieilles bottes en caoutchouc. J’ai dix-sept ans. Je suis torse nu, mes jambes, mes bras, ma poitrine sont maigres. Mon visage, mon dos, mes cuisses dégoulinent de sueur à laquelle une poussière grisâtre se mêle. J’en ai dans les yeux, sur les cils, dans les narines, sur les lèvres. Mes cheveux sont collés à mon front. Je suffoque dans l’air saturé de l’odeur âcre des fientes. Mon père m’a demandé de nettoyer ce poulailler et je m’exécute à contrecœur, le plus vite possible, avec ma large pelle et mon balai. Dès que j’aurai fini, je prendrai une douche, je mettrai une chemise fraiche, je me parfumerai, je sauterai sur ma mobylette et j’irai rejoindre Mara, en ville. Elle n’aura aucune idée de ce à quoi je ressemblais une heure plus tôt, puisque toute trace, toute odeur auront disparu. Or mon projet s’effondre car voilà qu’elle surgit de façon impromptue à la porte du poulailler, et me surprend dans cette situation, la plus humiliante qu’on puisse imaginer. Avec ses cheveux noirs et bouclés, sa robe rouge et courte qui découvre le doré de ses jambes jusqu’à mi-cuisse, ses bras et ses épaules nus, elle est d’une beauté sidérante et parfaitement déplacée en ce lieu. Je suis écrasé de honte. C’est pire que si elle m’avait surpris nu. Elle recule d’un pas, pour ne pas avaler la poussière qui vole, elle bute contre la brouette, agite sa main devant son visage, siffle et me lance : salut Silvère ! Waouh ! Elle me sourit mais c’est trop tard, j’ai vu sur sa bouche, sur sa très jolie bouche, le bref et incontrôlable rictus, le coin relevé de la lèvre supérieure qui signifie clairement : mais c’est dégueulasse ! J’ai lu aussi l’étonnement dans ses yeux : c’est donc là que tu vis, c’est donc là d’où tu viens ?
[...]
ET JE DANSE, AUSSI
La vie nous rattrape souvent au moment où on s’y attend le moins. Pour Pierre-Marie, romancier à succès (mais qui n’écrit plus), la surprise arrive par la poste, sous la forme d’un mystérieux paquet expédié par une lectrice. Mais pas n’importe quelle lectrice ! Adeline Parmelan, « grande, grosse, brune », pourrait bien être son cauchemar... Au lieu de quoi ils deviennent peu à peu indispensables l’un à l’autre. Jusqu’au moment où le paquet révèlera son contenu, et ses secrets...
Janvier 2013 : je suis entre deux romans, incertain et plein de doute comme à chaque fois. Je croise Anne-Laure qui vient de commencer un roman jeunesse (celui qui deviendra : Tant que nous sommes vivants). Je lui propose d’engager ensemble un échange de mails qui pourraient devenir un roman épistolaire. Elle accepte, pensant pouvoir mener ses deux chantiers de front. En réalité elle ne se consacrera très vite plus qu’à notre correspondance. Nous avons écrit dans la jubilation pendant six mois. C’était un jeu merveilleux, mais un jeu qui est devenu un roman dont le succès nous époustoufle nous-mêmes.
SOPHIE SCHOLL :
" NON À LA LÂCHETÉ "
Parce que l'Allemagne est un pays cher à son cœur, Jean-Claude Mourlevat a toujours admiré le courage des jeunes résistants allemands qui ont risqué leur vie pour combattre la bête immonde du nazisme. Le romancier nous fait partager avec pudeur son émotion. Pour que personne n'oublie jamais le destin du groupe de La Rose Blanche.
J'étais en 1re ou en Terminale et notre professeur d'allemand nous a fait étudier un extrait du livre « Die weisse Rose » de Inge Scholl dans lequel celle-ci rend hommage à sa sœur Sophie. Dans ce passage, Sophie est dans le train avec sa valise pleine de tracts. Elle joue sa vie et elle le sait. J'ai été bouleversé par le courage de cette fille. Quarante ans plus tard, quand Actes Sud Junior m'a proposé d'écrire un « Non à », je n'ai pas eu d'hésitation sur l'identité de mon héroïne. Ce serait Sophie, bien sûr. Je la considère comme ma petite sœur.
Extrait
[...]
L'après-midi touche à sa fin. C'est la guerre et la gare est pleine de réfugiés, d'enfants pâles et de soldats en uniforme. Une jeune femme s'approche du guichet, une valise à la main. Son visage est doux et enfantin. Ses cheveux bruns sont rejetés vers la droite, à partir d'une raie, et tenus par une barrette. Elle porte un manteau à col rond, une robe, des chaussettes qui lui montent sous le genou et des chaussures basses. Elle s'appelle Sophie Scholl.
[...]
Elle voudrait passer inaperçue, devenir invisible. Or il lui semble qu'elle occupe tout l'espace, qu'on ne voit qu'elle. Elle ne se sent pas davantage en sécurité sur le quai. La poignée de la valise lui brûle les doigts. Car la menace est partout, qui rode : les soldats de la Wehrmacht, la police criminelle, la gestapo. Aussi longtemps qu'elle tient cette valise au bout de son bras, elle est en danger de mort. Et elle le sait.
[...]
LE GARÇON QUI VOLAIT
(édition de poche de La Prodigieuse Aventure de Tillmann Ostergrimm)
Le destin de Tillmann Ostergrimm, 15 ans, bascule un jour de Carnaval : soudain, il s'élève dans les airs… Cet extravagant pouvoir va causer son malheur ; le voilà bientôt kidnappé et contraint de se produire chaque soir dans le cirque de l'ignoble Draken. Avec ses amis Lucia, la plus petite femme du monde, le colosse Mangetout et Dimitri, le calculateur prodige, Tillmann a bien l'intention de s'évader.
Extrait
[...]
Quand Tillmann se réveilla, il se rendit compte qu'il était allongé sur de la paille. Une forte odeur de ménagerie entra dans ses narines. Il chercha à s'appuyer sur son coude pour se relever, mais le mouvement qu'il fit lui donna si mal au cœur qu'il se laissa retomber en gémissant. Il lui sembla qu'autour de lui, tout tanguait comme dans un bateau. Sa tête battait. Il passa la main sur sa nuque douloureuse et resta inerte quelques minutes.
Ce qu'il vit en premier, lorsqu'il ouvrit à nouveau les yeux, ce fut une toute petite jeune femme. Jamais il n'avait vu un être humain adulte aussi minuscule. Elle ne mesurait pas plus de quarante centimètres et ressemblait à une poupée dans son élégante robe noire à collerette blanche. Le bas s'évasait largement et touchait le sol. Les manches moussaient de dentelle autour des poignets. Elle le regardait avec une expression d'inquiétude. Son visage aigu et froissé évoquait le museau d'une souris. Une étonnante et somptueuse chevelure noire dégringolait sur ses épaules en vagues bouclées.
— Bonjour, dit-elle avec sérieux, et sa voix flûtée aurait fait rire Tillmann s'il ne s'était pas senti aussi misérable.
— Bonjour, répondit-il faiblement. Qui es-tu ?
— Je m'appelle Lucia. Tu es malade ?
[...]
TERRIENNE
Tout commence sur une route de campagne... Après avoir reçu un message de sa soeur disparue depuis un an, Anne se lance à sa recherche et... passe "de l'autre côté". Elle se retrouve dans un monde parallèle, un ailleurs dépourvu d'humanité, mais où elle rencontrera cependant des alliés inoubliables. Pour arracher sa soeur à ce monde terrifiant, Anne ira jusqu'au bout, au péril de sa vie. Et se découvrira elle-même : Terrienne.
Vous ne respirerez plus jamais de la même manière.
L'idée de Terrienne m'est venue en roulant sur la D8 entre Saint-Just/Loire, où j'habite, et la petite ville voisine de Montbrison. Elle va tout droit vers l'ouest, vers les monts du Forez, qui me sont familiers. Je me suis dit que pour une fois je pourrais bien écrire un roman très situé. Et contemporain. J'ai donc, comme toujours, imaginé une scène première et j'ai tiré/tissé le fil de l'histoire à partir d'elle. Un vieil homme roule sur cette même route et il prend à son bord une jeune-fille qui fait de l'auto-stop. Très vite, j'ai su que, si je n'avais jamais écrit aussi "près" de mon univers quotidien, je n'aurais jamais non plus écrit aussi "loin" puisque l'histoire va nous emmener dans un monde parallèle, un monde de science-fiction. J'emploie ce mot avec prudence. Je ne suis pas un auteur de science-fiction et ne le serai jamais. Je ne suis pas la bonne personne pour ça. Mais j'ai pris grand plaisir à m'aventurer dans ce genre nouveau pour moi. Ce roman parle, entre autres choses : de la respiration ; de la Barbe bleue ; des spaghettis à la sauce bolognaise ; de Orphée et Euridice ; de la Terre... Je l'ai écrit en écoutant les musiques composées par Philip Glass.
Extrait
[...]
Mme Stormiwell a frappé à ma porte. Quand je lui ai ouvert, elle s'est coulée à l'intérieur comme quelqu'un qui ne veut pas être vu. Nous sommes restées debout dans le couloir, à l'entrée de la salle de bains. C'était une personne plus petite que moi, portant les cheveux courts, massive dans son uniforme sombre, les yeux légèrement exorbités, mais il y avait de la bienveillance dans son regard.
— Vous venez de "là-bas", mademoiselle, de "l'autre côté" ?
— Oui.
— Si vous voulez éviter les ennuis, il ne faut pas montrer que vous respirez.
— Pardon ?
— Votre poitrine qui se soulève, votre bouche qui s'entrouvre, le bruit que vous faites…
— Je ne comprends pas.
Elle a levé les yeux au ciel.
— Je ne sais pas pourquoi vous êtes ici, et je ne veux pas le savoir. Je n'aurais pas dû vous accepter à l'hôtel. Je me suis mise en faute. Mais vous ne ferez pas long feu si vous continuez comme ça. Vous serez prise.
— Prise ? Par qui ?
Elle a secoué la tête.
— Vous savez à quoi vous me faites penser ? Pour vous aider à comprendre, je vais utiliser une image de chez vous, de votre monde. Vous me faites penser à un poussin qui serait entré dans la cage des serpents et qui se demanderait : "Où est le problème ?".
Pour faire le poussin, elle a pris une petite voix qui m'a autant amusée qu'effrayée.
— Venez, lui ai-je dit. Venez vous asseoir et expliquez moi, madame… j'ai déchiffré son nom sur le badge accroché à son uniforme, madame Stormiwell.
— Non, je n'ai pas le temps. Ni le droit. Je voulais seulement vous faire quelques recommandations, pour retarder un peu votre capture. D'abord, évitez autant que possible de parler. Votre timbre de voix vous trahit. Évitez aussi de demander ce que vous devez. Ici, rien ne coûte rien. Nous n'avons pas de… comment appelez-vous ça déjà ?
— D'argent ?
— Oui, d'argent. Et surtout écoutez bien ceci : respirez, puisque vous ne pouvez pas faire autrement, mais ne le montrez pas ! Inspirez par le nez. Gardez la bouche fermée. Portez des vêtements amples qui cacheront le mouvement de votre poitrine quand vos poumons se gonflent. N'éternuez pas. Ne vous mouchez pas. Ne toussez pas. Ne riez pas. Ne vous essoufflez jamais. Ne courez pas. Évitez de vous approcher des gens. De là où je suis, je sens que vous respirez et je me trouve à plus d'un mètre de vous.
J'en suis restée éberluée.
— Mais… mais, vous respirez bien, vous ?
— Non, je ne respire pas. Personne ici.
Et comme pour en faire la démonstration, elle s'est tue et figée. Je l'ai mieux observée et l'immobilité parfaite de tout le haut de son corps m'est apparue. C'était à la fois glaçant et beau. Aucune palpitation des narines, aucun frémissement d'aucune sorte. Son buste évoquait celui d'une statue de pierre.
— Voilà, a-t-elle conclu. Je vous laisse. Soyez prudente. Vous ne rencontrerez pas beaucoup de personnes comme moi.
— Attendez ! Pourquoi faites-vous ça ?
— Je ne sais pas.
Elle s'est tournée pour repartir, puis elle s'est ravisée.
— Est-ce que je peux vous demander quelque chose, en échange ?
— Oui, bien sûr.
Elle est revenue vers moi, saisie d'une timidité inattendue, et elle a levé une main hésitante.
— Je peux ?
Comme je ne savais pas ce qu'elle comptait faire, je n'ai pas réagi. Alors elle a appliqué la paume de sa main droite sur le haut de ma poitrine, le gras de son pouce s'est logé dans la petite cavité de mon cou.
— Allez-y… Respirez…
J'ai inspiré puis expiré quatre ou cinq fois, posément, profondément, comme on fait chez le médecin. Je sentais la pression de sa main sur moi, et mes poumons qui la repoussaient à chaque respiration.
— Encore un peu, s'il vous plaît…
J'ai continué. Le visage impassible de Mme Stormiwell était maintenant traversé par des vagues d'émotion. Ses lèvres tremblaient. Ses yeux se sont fermés.
— Encore un peu.
J'ai continué.
— Merci, mademoiselle.
Elle a ôté sa main, lentement. Je croyais qu'elle allait se contenter de ça, mais non.
— S'il vous plaît, soufflez. Montrez-moi comme vous faites.
J'ai soufflé devant moi. Elle a mis le dos de sa main dans la petite colonne d'air et fait bouger ses doigts dedans.
— Dans mes cheveux, s'il vous plaît. Ensuite, je vous laisserai.
Elle a baissé la tête et attendu. Je n'ai pas pu faire autrement que souffler dans ses cheveux courts qui ne bougèrent presque pas. J'ai recommencé plusieurs fois, avec délicatesse.
Cette fois elle n'a pas remercié, mais l'expression de ses yeux valait mieux que des remerciements.
— C'est pour ça que je le fais, a-t-elle seulement dit, et elle s'en est allée.
[...]
LE CHAGRIN DU ROI MORT
"Une réflexion subtile sur la fraternité, la trahison, le prix de la paix et de l'amour, courent tout au long de ce roman au charme irrésistible." (Télérama, juillet 2009)
C'est une petite île froide, quelque part dans le nord. Le vieux roi est mort. Son corps repose sur un lit de pierre, sur la Grand-Place. Il neige. Il sera question de séparation, de guerre, de trois ciels différents, d'un premier amour. Il y aura une prophétie, des êtres qui se perdent dans l'immensité, une sorcière qui mange des têtes de rats...
J'ai mis longtemps pour écrire ce roman volumineux. Les deux parties sont très différentes. La première est plus lumineuse, comme éclairée par la magie de l'enfance, celle des deux jeunes héros, Aleks et Brisco. La seconde est plus sombre, plus douloureuse. Mais qu'on ne m'en fasse pas le reproche ! Si j'avais suivi mon inclination personnelle, Aleks serait allé au bout de son errance et de sa folie. Il se serait perdu et ne serait jamais rentré. La scène première du roman, celle du vieux roi mort reposant sur son lit de pierres tandis que son peuple vient le saluer sous la neige qui tombe, m'est venue du souvenir de l'enterrement de mon père, en 1999, dans un petit village d'Auvergne.
Extrait
[...]
J'ai séjourné dans cent villages brûlés qu'on était en train de reconstruire. Chacun des cent aurait pu être le tien, où tu serais revenue. Aucun ne l'était.
— Pedyité souss maa ? Vous connaissez cette jeune fille ?
Je l'ai demandé un milliard de fois : "Souss maa, pedyité ?"
La page du carnet s'est froissée, à force. Mon dessin s'est abîmé. Je l'ai refait mais j'ai moins bien réussi et ça m'a rendu furieux, et triste. Est-ce que ton image s'éloignait déjà de ma mémoire ?
J'ai eu de faux espoirs aussi.
— Ta, oui, je connais cette fille… elle est là-bas, tenez, la voilà qui s'en va… vous la voyez, là-bas, de dos, qui s'en va ?
— Elle s'appelle Lia ?
— Ta, Lia…
Et c'est vrai que la silhouette te ressemblait vraiment. Je courais, près de défaillir, je dépassais la personne et je regardais son visage. Ce n'était jamais toi. Jamais. Certaines étaient jolies. Mais toi, tu n'es pas jolie. Tu es autre chose de plus, quelque chose que je ne sais pas dire, qui me fait fondre et prendre feu, qui me touche au coeur, qui me donne envie de vivre, de pleurer.
J'ai arpenté le pays du sud au nord, de l'est à l'ouest. Infatigablement. Ou plutôt si : fatigablement ! Épuisablement ! Mais impossible à arrêter. Il aurait fallu me tuer.
J'ai fini par revenir dans ce port où nous avions débarqué, un an plus tôt, mes camarades et moi, sur un grand navire militaire tout neuf, dans nos uniformes tout neufs, avec nos fusils tout neufs. Où étaient-ils maintenant, mes camarades ? Quelques-uns rentrés au pays. La plupart morts. Des cadavres dans la neige, tout neufs. Et moi un vagabond.
J'ai trouvé un bateau en partance pour Grande Terre. De là-bas, ensuite, j'aurais pu continuer le voyage, embarquer pour Petite Terre et retrouver mes parents sans nouvelles de moi depuis si longtemps. J'étais déjà à bord, le bateau allait partir. Alors j'ai changé d'avis. J'ai couru sur la passerelle et sauté à terre.
Je me suis dit : "D'accord, d'accord… deux années encore, Lia… je te cherche deux années encore… pas un jour de plus… et je rentre à Petite Terre…"
Je suis revenu à la capitale. Je t'y ai cherchée partout, pour la deuxième fois. J'y ai revu des gens que j'avais rencontrés l'année d'avant. Ils m'ont dit que j'étais pâle et maigre, que je devrais mieux m'alimenter et faire davantage attention à moi.
Je suis allé au bout des contrées de l'Est, là où il n'y a plus que des loups faméliques aux yeux de braise. On m'a dit qu'ils me mangeraient. Mais j'étais devenu tellement sauvage que c'est moi qui les ai mangés, je crois ! Avant, je leur ai montré mon dessin, et je leur ai demandé s'ils te connaissaient. Ils ne te connaissaient pas… J'ai été malade, là-bas, j'ai eu de la fièvre, tout s'est embrouillé.
Veinard est mort sous moi, dans la neige. Il est tombé et n'a pas pu se relever. J'ai essayé de l'aider. Je l'ai supplié, grondé, mais il avait une jambe fracturée je pense. Alors je me suis couché contre son flanc et je l'ai veillé jusqu'à ce qu'il meure. Je lui ai parlé, je l'ai remercié de m'avoir porté si loin, tiré si loin, sans jamais se plaindre, en obéissant toujours, en supportant ce que je lui infligeais : la faim, le froid et ma tristesse.
Quand ses yeux ont tourné et qu'il est mort, j'ai eu la tentation de ne plus bouger, de rester là avec lui, mon courageux compagnon de misère, et de me laisser partir aussi. Mais il est devenu froid, et moi j'étais bouillant, alors j'ai pensé qu'on n'allait plus si bien ensemble et que c'était mal de rester là. Je me suis levé, j'ai pris sa selle, j'ai caressé sa joue pour lui dire adieu, j'ai couvert sa tête avec de la belle neige blanche. La lune faisait briller ses cristaux. Et je suis parti à pied.
Je suis allé dans les villes du Sud, je suis allé sur les plateaux de l'Ouest, dans tous les villages, les uns après les autres. J'ai eu quatre autres chevaux pendant tout ce temps. Non, cinq avec celui que j'ai volé. Je ne sais plus. Tout se mélange. Le dernier est cette petite jument blanche que j'appelle Mona et qui trotte si bien.
Je suis revenu au port d'embarquement au bout de deux ans, comme prévu. Mais je ne suis même pas monté sur le bateau, cette fois. Je l'ai regardé manoeuvrer, sortir du port et s'éloigner dans le ciel blanc comme du coton, sans moi. Et j'ai fait demitour, parce que monter à bord, c'était renoncer à toi pour toujours, te perdre. Et je ne veux pas te perdre.
Je me suis dit : "D'accord, d'accord… je te cherche une vie encore, Lia… une vie seulement… pas davantage… et je rentre à Petite Terre."
[...]
LA PRODIGIEUSE AVENTURE DE TILLMANN OSTERGRIMM
Tillmann Ostergrimm a un don stupéfiant : il peut s'élever dans les airs ! Remarqué par un imprésario véreux, le jeune garçon est enlevé, jeté dans un bateau et forcé de jouer l'homme oiseau pour le compte de l'ignoble Draken. Réduit à n'être qu'un numéro de cirque, oublié de sa famille, Tillmann parviendra-t-il à retrouver sa liberté et à devenir un garçon comme les autres ?
Il s'agit d'un roman d'aventure plus léger que Le Combat d'hiver. On pourra le lire sans peine dès dix ans je pense. Ça commence au milieu du XIXe siècle dans une ville flamande qui pourrait être Anvers. La famille Ostergrimm possède une tonnellerie prestigieuse et vieille de plus de cent-cinquante ans. Le père, Hermann Ostergrimm, homme puissant et autoritaire, la dirige d'une main de fer. Tout commence un soir où son grand fils Tillmann, le héros de l'histoire, s'oppose à lui. Je dois dire que l'idée de cette histoire me vient d'un rêve que je fais depuis toujours : celui de décoller du sol et de voler librement.
Mon fils Colin, à qui je dédie le roman, estime que c'est le meilleur que j'aie jamais écrit !
Extrait
[...]
La curiosité empêcha tout d'abord Tillmann de se demander par quel étrange phénomène il voyait soudain aussi facilement par-dessus les adultes qui se trouvaient devant lui et qui, normalement, le dépassaient tous d'une tête.
Ce fut l'enfant assis sur les épaules de son père qui donna l'alerte.
La bouche grande ouverte, et tourné vers Tillmann qui se trouvait désormais à la même hauteur que lui, il se désintéressait du spectacle.
— Hé ! cria-t-il d'une voix sonore. Papa, regarde !
Le père pivota d'un quart de tour, considéra Tillmann et s'écria à son tour :
— Hé ! Qu'est-ce qu'il fait, celui-là ?
En même temps, il fit un saut de côté, comme un cabri qui veut échapper aux dents du chien.
— Hé ! reprirent les gens alentours, et eux aussi s'écartèrent de quelques mètres.
Une femme poussa un cri strident et cacha son visage dans ses mains. D'autres firent le signe de croix. Les spectateurs qui étaient devant se retournèrent les uns après les autres et la stupeur les figea. Les comédiens, que personne ne regardait plus, cessèrent leur pantomime. Quand tout le monde fut à une distance respectable de lui, Tillmann Ostergrimm s'avisa de l'incroyable réalité :
Il se trouvait au milieu d'un cercle d'une cinquantaine de personnes stupéfaites.
Il flottait à plus de deux mètres du sol.
Il ne s'appuyait à rien du tout.
Il resta ainsi en suspension, encore plus ahuri que ceux qui le regardaient. C'était une sensation infiniment agréable, mais très gênante aussi. Tillmann, garçon discret par nature, n'aimait pas attirer l'attention. Là, il était servi ! Il plia et déplia ses jambes dans le vide, il activa ses bras et brassa lentement l'air autour de lui, puis il se plia un peu en avant, mais ces mouvements ne le firent pas redescendre d'un pouce. En revanche, l'effet produit sur les spectateurs fut immédiat. Aussi longtemps qu'il était resté immobile, ceux-ci avaient pu croire à une tromperie. Or voilà qu'il bougeait librement, preuve qu'il n'était tenu d'aucune manière, et ceci les épouvanta.
— Excusez-moi… bredouilla Tillmann. Je vais… je…
Le son de sa voix ajouta encore à leur terreur.
— Descends ! brailla quelqu'un.
Tillmann aurait bien aimé le satisfaire et redescendre de la même façon qu'il était monté, mais comment s'y prendre puisqu'il ne pouvait se repousser à rien, puisqu'il flottait dans les airs.
— Va-t-en ! reprit un homme, et il lui jeta un bâton.
Tillmann le reçut sur le poignet et poussa un cri de douleur.
— Oui, va-t-en ! Pchchch ! firent les autres comme pour chasser de leur vue un spectre et, tout en restant à distance, ils lui lancèrent ce qui leur tombait sous la main : une pomme à demi croquée, un morceau de bois, un beignet, une chaussure même qui l'atteignit à la tempe.
— Arrêtez ! gémit Tillmann. Vous me faites mal !
Un garnement d'une quinzaine d'années, sale et à moitié ivre, s'enhardit jusqu'à lui. Il le saisit à la cheville, sans doute dans le but de le tirer vers le bas. Mais il n'en eut pas besoin : dès que Tillmann fut touché, il chuta comme une pierre, dégringola sur le garçon et l'écrasa sous son poids. L'autre se mit à pousser des hurlements de cochon qu'on égorge :
— Aïe ! Il m'a cassé les reins ! À l'aide !
Ses compères, à peine plus âgés, s'avancèrent pour lui porter secours. Certains retroussaient déjà leurs manches et crachaient par terre. Tillmann bondit sur ses jambes, repoussa le blessé qui tentait de l'agripper par la veste et décampa.
Il alla droit devant lui, s'engouffrant dans le passage que lui ouvraient les gens encore sidérés par le prodige auquel ils venaient d'assister.
— Rattrapons-le ! cria un des voyous.
Tillmann fila sans se retourner le long de la petite rue par laquelle il était arrivé. Derrière lui, ses poursuivants s'étaient lancés dans une galopade sauvage et leurs cris résonnaient dans la nuit :
— Attends-nous, l'oiseau ! T'envole pas !
[...]
LE COMBAT D'HIVER
"On est complètement pris par cette aventure trépidante dans un univers sombre et trépidant."
(Le Monde)
Le Combat d'hiver est celui de quatre adolescents, évadés de leur orphelinat-prison, pour reprendre la lutte perdue par leurs parents quinze ans plus tôt. Ont-ils la moindre chance d''échapper aux terribles "hommes-chiens" lancés à leur poursuite dans les montagnes glacées ? Pourront-ils compter sur l'aide généreuse du "peuple-cheval" ? Survivront-ils à la barbarie des jeux du cirque réinventés par la Phalange ? Leur combat, hymne grandiose au courage et à la liberté, est de ceux qu'on dit perdu d'avance. Et pourtant...
J'ai écrit les premiers mots du Combat d'hiver au printemps 2004 dans la Creuse. J'avais une heure d'attente dans une médiathèque et j'ai ouvert mon nouveau cahier. Je me souviens que la phrase : "Sur un signe de la surveillante…" ne me plaisait pas avec tous ses "s". Et puis, comme d'habitude, je ne savais pas où j'allais. J'ai écrit les derniers mots : "Dors, ma toute belle, dors. Tout va bien." à l'automne 2005. J'ai mis beaucoup de moi-même dans ce roman. Il rassemble une partie des thèmes qui me constituent : l'internat, l'appel de la liberté, la peur de la barbarie, la question du courage personnel, la résistance, la voix humaine, la transmission de la culture et des valeurs humanistes. Les personnages les plus forts sont des femmes et des jeunes filles : Helen Dormann, Milena Bach, Eva-Maria Bach, Dora, les consoleuses… Ce n'est pas un hasard, mais la volonté de rendre hommage à toutes celles qui, dans la vraie vie, travaillent à réparer nos bêtises et à rendre le monde plus habitable.
Extrait
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Quand Helen et Milena entrèrent dans le village des consoleuses, une bruine glacée les enveloppait, comme une poussière liquide. Les paillettes scintillaient à la moindre lumière, réverbère ou fenêtre. Les maisons de brique, serrées les unes contre les autres tout au long de la rue, semblaient des miniatures. On accédait à la plupart en descendant quelques marches et il fallait presque se courber pour franchir les portes. Milena s'arrêta devant la toute première :
— Je t'attends ici… Et pense à moi si ta consoleuse a cuisiné quelque chose de bon, j'ai faim…
— J'y penserai, ne t'en fais pas. J'espère pour toi que c'est chauffé dans la bibliothèque…
Afin de vérifier, elle suivit son amie dans la pièce exiguë et basse de plafond. Une flamme vacillait derrière la vitre du poêle à bois, il faisait doux.
— Ils n'oublient jamais, dit Milena.
Sur la table équipée d'une unique chaise, une lampe allumée sous son abat-jour accueillait le visiteur. À mi-hauteur de la cloison couraient deux étagères chargées d'une centaine de livres usés.
Milena, en ôtant son manteau, les passait déjà en revue pour en choisir un.
— J'y vais, lui lança Helen. À tout à l'heure. Bonne lecture !
Elle-même était venue ici une dizaine de fois pour accompagner Milena ou d'autres filles. Elle adorait cet endroit hors du monde, où personne ne vous dérangeait jamais, où l'on pouvait lire et rêver paisiblement. Elle le comparait à un nid ou bien à un berceau, enfin quelque part où il fait chaud et où personne ne vous voulait de mal. Seul passait de temps en temps un homme tranquille, le mari d'une consoleuse sans doute, qui venait ajouter une bûche dans le foyer du poêle. Il demandait gentiment : "Alors, mademoiselle, en pleine lecture ?" On lui répondait : "Eh oui !" et il s'en allait. Une fois seulement elle avait dû partager ce moment avec un autre accompagnateur, un jeune garçon qui, après avoir lu quelques minutes, avait fini par se recroqueviller dans un coin de la pièce, tête sur les genoux, et s'était endormi.
Toutes les filles adoraient être choisies comme accompagnatrices pour pouvoir passer deux heures dans cette "bibliothèque". Certaines auraient bien sûr préféré rendre visite à leur consoleuse, mais l'article 22 était clair : "Il est interdit de rendre visite à sa consoleuse quand on est l'accompagnatrice." Et la sanction de rigueur n'encourageait pas à désobéir : "Privation de toute sortie pour le reste de l'année."
Helen marcha tout droit, obliqua sur sa gauche à la fontaine et s'engagea dans une rue en pente. En arrivant devant le numéro 47, elle s'aperçut qu'elle souriait. Elle savait le plaisir qu'elle allait donner et celui qu'elle allait recevoir. Elle descendit les trois marches de l'escalier et, plutôt que sur la porte, tapa deux coups légers à la fenêtre. Les vitres étaient couvertes de buée. Bientôt, une petite main frotta le carreau et un visage radieux se dessina derrière. La bouche s'ouvrit très grand et Helen lut sur les lèvres de l'enfant les deux syllabes de son prénom : HE-LEN !
Quelques secondes plus tard, Octavo se jetait dans ses bras. Elle le souleva et l'embrassa sur ses joues rebondies.
— Qu'est-ce que tu es lourd !
— Je pèse vingt-six kilos, dit l'enfant, très fier de son poids.
— Ta maman est ici ?
— Dans la cuisine. Moi, je fais mes devoirs. Tu m'aideras comme l'autre fois ? J'aime bien comme tu aides.
Ils entrèrent. La pièce était à peine plus grande que la bibliothèque, mais, sur la droite, un escalier montait à l'étage, où se trouvait la chambre, et une porte s'ouvrait à l'arrière, sur la cuisine. C'est dans cet entrebâillement qu'apparut la monumentale silhouette de Paula.
À l'une de ses premières visites, Helen s'était endormie, après avoir beaucoup pleuré, dans les bras de Paula. En se réveillant, elle avait bredouillé :
— Combien tu pèses, Paula ?
Elle n'avait que quatorze ans alors et le sans-gêne de sa question avait fait rire la grosse dame :
— Je ne sais pas, ma petite fille… Je n'en ai aucune idée. Mais je pèse lourd…
Quand elle vous prenait contre elle, on ne savait plus ce qui était bras, épaules, seins ou ventre. Tout se confondait dans une douce chaleur et on avait envie d'y rester toujours.
Paula ouvrit les bras à Helen pour qu'elle vienne s'y blottir.
— Alors, ma toute belle…Ça faisait longtemps…
Paula la complimentait souvent ainsi. "Ma toute belle", "ma jolie…". Et elle prenait son visage entre ses mains pour mieux la regarder. Helen avait entendu dire des tas de choses sur son propre compte : qu'elle était têtue, passionnée, drôle ou garçon manqué, mais "toute belle" ou "jolie", non. Paula le lui disait, elle, et elle la croyait.
— La dernière fois, c'était avant l'été, confirma Helen, j'aurais voulu attendre décembre au moins, mais je n'ai pas pu…
— Viens, entre. Je suis en train de cuisiner pour Octavo. Des pommes de terre au four. Et il y a un reste de tarte aux poires de midi, ça te convient ?
— Et comment ! jubila Helen.
Tout ce qu'elle mangeait ici, loin du réfectoire haï, lui semblait somptueusement bon. Octavo s'impatientait déjà sur ses cahiers :
— Tu viens, j'y arrive pas tout seul…
Comme Paula retournait à sa cuisine, Helen rejoignit l'enfant et s'assit à ses côtés.
— Alors ? Qu'est-ce que tu apprends de beau ?
— Le masculin et le féminin…
— D'accord. Allons-y…
— L'exemple de la maîtresse, c'est : un boulanger – une boulangère. Il faut en trouver trois.
— Et tu en as trouvé ?
— Trois. Mais je suis pas sûr pour le troisième.
— Je t'écoute.
— Un chat – une chatte.
— Très bien.
— Un magicien – une magicienne.
— Parfait. Et ton troisième ?
— Je suis pas sûr.
— Dis quand même…
— Un pied – une main.
Helen eut du mal à ne pas éclater de rire. Et en même temps, une vague de mélancolie la submergea, violente et profonde. Est-ce qu'elle avait un petit frère à elle, quelque part ? Un petit frère penché sur ses devoirs, lui aussi ? Qui tirait la langue sur le passé simple ou sur une multiplication à deux chiffres ? Non, elle n'avait ni frère, ni soeur, nulle part. Ni parents. Elle repensa à cet orphelinat où elle avait passé toute son enfance et à ce jour d'automne où elle l'avait quitté. Comment oublier ?
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LA TROISIÈME VENGEANCE DE ROBERT POUTIFARD
"Avec ce roman bien rythmé, Jean-Claude Mourlevat excelle dans le burlesque et termine sur une note de tendresse."
(Lire, septembre 2004)
Comment occuper sa retraite quand on a été toute sa vie instituteur en CM1 ? Robert Poutifard n'a qu'une idée en tête : se venger de ses anciens élèves. Leur faire enfin payer ces années de chahut et d'humiliation ! La vengeance est un plat qui se mange froid, et Robert leur prépare une surprise du chef. Ces salles mômes vont vraiment déguster !
Un jour, j'ai posé à des enfants la question : Quel est le meilleur début pour un livre ? "Robert Poutifard adorait les enfants" ou bien "Robert Poutifard détestait les enfants ?". On imagine leur réponse… Même si je n'écris jamais en fonction de la demande, j'avoue que leur unanimité m'a donné à penser... L'origine de ce roman, c'est aussi une question que mes enfants, qui avaient à l'époque six et huit ans, m'on posée : "Tu nous lis une autre histoire de Roald Dahl ?" Malheureusement, on les avait toutes lues, et Roald Dahl était mort. Alors je leur ai promis d'essayer d'en écrire une à la manière de Roald Dahl, aussi cruelle et aussi drôle. Et c'est devenu Poutifard !
Extrait
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Pendant la récréation, on offrit dans la salle des maîtres un café à l'inspectrice, et les collègues lancèrent à Poutifard des regards envieux qui voulaient dire : "Te voilà en belle compagnie, Robert !" Bien qu'il n'y fût pour rien, il en conçut une certaine fierté et, de retour dans sa classe, il éprouva quelque chose qui ressemblait presque à de l'assurance.
— Mathématiques ! annonça-t-il d'une voix ferme.
Le drame survint aux alentours de 10 h 40 et la main levée de Pierre-Yves Lecain, au dernier rang, en marqua le début.
— Monsieur, combien font 7 × 9 déjà ?
Dans son oeil brillait par avance le plaisir sadique de voir son maître humilié. Un frémissement parcourut la classe : Pierre-Yves Lecain avait osé ! N'importe quel enseignant aurait réglé le problème en quelques secondes : "Mon petit Pierre-Yves, si tu ne le sais pas, c'est que tu n'as pas appris ta leçon. Allons, les autres, combien font 7 × 9 ?"
Un enfant aurait levé le doigt et répondu : "63, maître."
Et on serait passé à la suite. Mais Poutifard n'était pas un enseignant ordinaire. Lancer un 7 × 9 à l'improviste à ce colosse de 128 kg, c'était comme agiter une souris vivante sous la trompe d'un éléphant : petites causes, grands effets.
— 7 × 9… bafouilla-t-il, eh bien ça fait… euh…
Les trente enfants de la classe de CM 1 s'étaient figés et ils fixaient leur maître avec inquiétude. Eux connaissaient la réponse et les doigts se levèrent les uns après les autres pour la donner. L'inspectrice fronça les sourcils : il se passait là quelque chose d'inhabituel.
Dans un silence effroyable, Poutifard fit un effort désespéré :
— Voyons… 7 × 9, c'est comme 9 × 7… table de 9… on ajoute 10 et on enlève 1 à chaque fois… maman, oh maman aide-moi… partons de 9 × 5, ça je l'ai en tête c'est 45… 9 × 6 feront donc 45 plus 10 : 55, moins 1 : 54… et 9 × 7 feront… qu'est-ce que j'ai dit avant : 54 ou 53 ? maman, oh maman…
En désespoir de cause, et parce que le silence devenait insupportable dans cette forêt de bras dressés, il tenta sa chance :
— 7 × 9 ? Eh bien… 122.
Si l'inspectrice n'avait pas été là, la classe entière aurait éclaté de rire et l'aurait obligé à hurler une fois de plus : "Taisez-vous ! Taisez-vous, je vous dis !"
Là, ce fut pire. Les enfants restèrent muets et se tournèrent tous vers l'inspectrice, comme pour la prendre à témoin : "Vous avez entendu, madame, notre maître ne connaît pas ses tables. Qu'allez-vous faire ?"
Poutifard commit alors l'irréparable : il fit comme s'il avait simplement péché par étourderie et il tenta de se corriger :
— Pardon, je voulais dire 94…
Des ruisseaux de sueur commencèrent à lui dégouliner sur les tempes. L'inspectrice le dévisageait de ses beaux yeux verts étonnés. Il sentit qu'il allait avoir un malaise.
— Il fait… il fait chaud, n'est-ce pas ? bredouilla-t-il. On étouffe… Je vais…
Et il se précipita vers la fenêtre pour l'ouvrir…
Il faut savoir maintenant que près de cette fameuse fenêtre était installée au premier rang la chétive, fragile, délicate et méritante Catherine Chausse. Fille aînée d'une modeste famille nombreuse, la fillette ne ménageait pas sa peine pour s'occuper de ses six frères et soeurs. Souvent absente pour cause de maladie ou d'épuisement, Catherine n'en était pas moins la meilleure élève de sa classe, surtout en français où elle excellait. Elle se montrait en toute occasion parfaitement polie, attentive aux autres et surtout pleine de respect et d'affection pour son maître. Peu habitué à susciter de tels sentiments, celui-ci s'était presque attaché à cette petite élève pâlichonne, discrète et tellement sensible. Il s'avança vers la fenêtre, donc. Et voilà ce qui advint, hélas :
Robert Poutifard, 1,96 m et 128 kg, ouvrit la fenêtre avec une telle énergie que l'angle aigu du battant entailla l'arcade sourcilière de la petite Catherine Chausse, 1,22 m et 27 kg, sur cinq bons centimètres. Elle poussa un terrible hurlement et son visage se couvrit de sang.
— Merde ! jura Poutifard.
Dès lors, tout lui échappa. Une moitié de la classe se précipita dans le couloir pour aller chercher de l'aide. L'autre moitié s'agglutina autour de la malheureuse Catherine pour lui porter secours. Elle était toujours assise à sa place, gémissante et barbouillée de sang. Ses lunettes étaient brisées.
— Du calme ! Du calme ! criait Poutifard, mais personne ne l'écoutait.
La voisine de table de Catherine, la petite Brigitte Lavandier, s'affaissa lentement et s'effondra finalement sur le carrelage.
— Maître ! Maître ! Brigitte est tombée dans les pommes ! s'écrièrent les élèves.
Poutifard se pencha sur la fillette pâle comme un linge, et lui donna des tapes sur la joue. Comme elle ne revenait pas, il la gifla plus énergiquement. Mais l'urgence était ailleurs : sur son cahier de mathématiques impeccablement tenu, Catherine Chausse se vidait de son sang.
Dans la confusion générale, Poutifard eut alors par miracle un éclair de pensée lucide : il fallait appeler un docteur, et vite ! Il s'élança à travers la classe, renversant tables et chaises, pour atteindre le téléphone. Hélas, en voulant saisir le combiné, il donna de son énorme avant-bras un coup si violent à l'aquarium que celui-ci bascula au sol. Les vitres explosèrent et les cent vingt litres d'eau se répandirent sur le carrelage avec les sept poissons, dont le gros Pouf-Pouf que les enfants adoraient parce qu'il avait toujours l'air de sourire.
L'inspectrice, qui jusque-là s'était tenue au fond de la classe sans intervenir, jugea qu'il était temps de faire quelque chose : elle se jeta dans la mêlée. Elle eut tort. En effet, elle n'avait pas parcouru deux mètres que le talon de sa chaussure gauche fusa sur le gros Pouf-Pouf qui se tortillait par terre, et elle chuta lourdement sur le dos, dans l'eau et les bris de verre, découvrant très haut et à tout le monde ses jolies jambes brunes. En voulant lui porter secours, Poutifard glissa à son tour sur un poisson et s'affala de tout son long… sur l'inspectrice qui se mit à hurler. À cet instant précis, le directeur de l'école, alerté par des élèves, fit son entrée dans la classe.
Le bilan de cette charmante matinée fut le suivant :
· La jeune Catherine Chausse reçut quatorze points de suture au front et resta absente de l'école deux semaines entières. Ses lunettes durent être changées.
· La petite Brigitte Lavandier s'en tira avec une mâchoire démise et un hématome à la joue gauche.
· Mlle Stefani, inspectrice de l'Éducation nationale, fut soignée à l'hôpital Nord pour de multiples blessures au dos causées par des bris de verre, et surtout pour une vilaine fracture du cubitus droit qui lui valut cinq semaines de plâtre et deux mois et demi de rééducation.
· M. Robert Poutifard, maître de CM 1, obtint la pire note d'inspection qu'on ait jamais attribuée à un instituteur.
· Les sept poissons moururent.
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LA BALLADE DE CORNEBIQUE
"... un livre doux et sombre, qui sent bon le pain sec et la liberté".
(Elle, Anna Gavalda, 19 avril 2004)
Si vous aimez les boucs, le banjo et les charlatans, les concours d'insultes et les petits loirs qui baillent tout le temps, alors laissez-vous emporter dans la folle cavale de l'ami Cornebique.
L'idée de La Ballade de Cornebique m'est venue un jour où je faisais de la bicyclette. La pluie m'a obligé à m'abriter sous un chêne. Je me suis allongé sur le dos, les genoux repliés, un sac sous la tête et j'ai "vu" l'image. Un petit personnage perché sur mes genoux qui me regarde et demande tristement :
— Où on va comme ça ? Quand est-ce qu'on s'arrêtera de marcher ?
Et moi qui lui répond :
— Ouh la la, c'est la pluie qui te met le moral dans les chaussettes ? Allez, saute dans ma poche et fais une petite sieste, va.
C'est la scène qui a tiré tout le reste : les personnages-animaux (pour la différence de taille), le ton familier, la tonalité affective, le décor…
En lisant cette histoire, on peut écouter Woody Guthrie. C'est la musique de ce livre-là. Elle m'a accompagné tout au long de l'écriture.
Extrait
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Cornebique explore les commodes, soulève les tissus, les draps. Où es-tu, mon bonhomme ? Où est-ce qu'elle t'a planqué ? Il ouvre les coffres, les tiroirs, palpe les doublures des rideaux. En vain. Il est en train d'étirer sa carcasse sur un fauteuil pour atteindre le haut d'une armoire quand la voix inquiète de Lem lui parvient :
— Cornebiiique ! Viens viiite ! Je crois qu'elle se réveille.
— Tu es sûr ?
— Oui. Grouille !
Il revient à la hâte vers le lit et tend la bougie. Effectivement, Grand-Mère refait surface.
— Aïe… gémit Cornebique. Qu'est-ce qu'on va faire ?
— Je sais pas… Et si on l'assommait ?
— Oui. Avec quoi ?
Ils cherchent fébrilement un objet assez lourd pour écrabouiller la vilaine tête de serpent de Sa Majesté. Trop tard, elle ouvre un oeil et bavote d'une voix encore faible, très éraillée :
— Professeur Lem ?
Un sourire idiot flotte toujours sur ses lèvres. Elle n'a pas l'air de vouloir les dépecer tout de suite…
— Oui madame, euh… Altesse, à votre service…
Elle ouvre l'autre oeil :
— Qui est cette personne ?
— C'est monsieur Cornebique, mon assistant…
— Bienvenue, monsieur Cornebique…
Elle articule trop bien. Elle est trop polie. Ils se demandent ce que ça cache : est-ce qu'elle va soudain se déchaîner comme un chat à qui on écrase la queue et leur lacérer le visage ? Est-ce qu'elle va leur sauter à la gorge et leur trancher la corniole ? Rien de tout ça : elle pousse un léger soupir de bien-être et, de sa main décharnée, tapote délicatement le bord du lit.
— Approchez-vous, Professeur. Et asseyez-vous là… Près de moi…
Lem s'avance lentement et pose une demi-fesse sur le drap. Il préférerait descendre dans la fosse aux alligators.
— Dites-moi votre petit nom, Professeur…
— Hein ?
— Votre petit nom ? Vous en avez bien un ?
Elle dégouline de douceur et de gentillesse :
— Allons, dites-moi…
— Adolphino… balbutie Lem et sa crête vire au cramoisi.
Malgré sa trouille, Cornebique est prêt d'éclater de rire.
— Adolphino ! Mais c'est tout à fait charmant ! Lem, petit cachottier, va !
— Adolphino… répète tendrement Grand-Mère. Me permettrez-vous de vous appeler ainsi dorénavant ?
— C'est vous qui voyez, Majesté, répond Lem, au supplice.
Puis Grand-Mère étire son bras maigre vers un cordon qui pend à la tête du lit. Elle le tire et aussitôt une servante pointe son museau à la porte :
— Sa Majesté a sonné ?
— Oui, ma petite, j'ai sonné… Qu'on éclaire et qu'on fasse venir immédiatement dans cette chambre tous mes docteurs. Qu'il n'en manque pas un !
Cornebique et Lem s'interrogent du regard. Qu'est-ce qu'elle mijote, cette vieille peau ? Le pire sans doute. Ils devraient peut-être prendre tous les risques, sauter par la fenêtre, quitte à se fracasser les os, et fuir dans la nuit.
Le premier docteur pousse craintivement la porte, bientôt suivi par un second. Grand-Mère s'est adossée à ses oreillers. Elle leur fait signe : approchez, approchez mes chéris… Peu à peu elle se transfigure : disparu le bon sourire, oublié le doux abandon. On dirait de l'eau qui commence à frissonner, qui va bouillir. Ses griffes ont jailli, son souffle se précipite, elle en fume par les narines. Douze docteurs sont déjà entrés et il en arrive encore. Cornebique les compte : quinze, dix-huit… vingt-sept ! Elle en a vingt-sept ! La servante ferme la porte derrière le dernier. Dans un insupportable silence, Grand-Mère se dresse sur son lit, avec lenteur. Puis, brusquement, elle pousse un hurlement de folle :
— Bande d'incapables ! Nullités !
Les yeux injectés de sang, elle déverse sur les Fouines terrifiées une épouvantable charretée d'insultes. Les malheureuses se collent au mur pour s'éloigner des mains griffues qui sifflent dans les airs comme des fouets.
— Depuis des années je ne dormais plus ! Depuis des siècles ! Et qu'avez-vous fait ? Vous m'avez gavée de remèdes répugnants, de sirops imbuvables parfaitement inutiles ! Vous m'avez purgée, saignée, empoisonnée… Pour quoi ? Pour rien !
Elle gesticule sur le lit, hors d'elle. Sa chemise de nuit vole dans les airs, découvrant des jambes faméliques et un genou tuméfié.
— Le professeur Lem, lui, en quelques secondes, a su reconnaître mon mal et il m'a administré la bonne médecine ! Pour la première fois depuis cent mille nuits, j'ai dormi, vous m'entendez : dor-mi ! Il sera désormais, assisté de monsieur Cornebique, mon unique docteur ! Je vous chasse tous ! Disparaissez de ma vue ! Quittez ce pays à la course ! Si jamais, de ma vie, je revois un seul d'entre vous, qu'il sache bien ce qui l'attend…
Cornebique et Lem ont beau ne pas être concernés, la liste des horreurs que Grand-Mère se met à proférer leur dresse le poil sur la tête. Elle s'égosille et promet aux malheureux : de leur dévisser la tête, de leur nouer les bras avec les jambes ; de leur faire manger, vomir puis remanger leur tripaille ; de leur inverser les yeux… Elle leur infligera d'autres choses encore qu'il serait incorrect de rapporter ici, et c'est bien dommage. Ils fuient, épouvantés, et on entend le dernier d'entre eux chuter dans les escaliers tandis que Grand-Mère, hystérique, jure sur sa vie qu'elle lui "sortira le foie par le trou des fesses"…
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LA RIVIÈRE À L'ENVERS 2 : HANNAH
"Un texte envoûtant, qui sort de l'ordinaire, un récit poétique et initiatique, un vrai bonheur de lecture".
(Livres jeunesse, octobre 2002)
Dans La Rivière à l'envers 1, Tomek nous entraînait dans son incroyable quête : trouver la rivière Qjar et son eau qui empêche de mourir. Nous marchions avec lui sur les pas de Hannah. Cette fois-ci, c'est Hannah elle-même qui raconte son voyage sur la vertigineuse Route du Ciel, puis à travers le désert. Son récit nous fait découvrir des contrées nouvelles, mais on y retrouve aussi des paysages connus : la Forêt de l'Oubli, la prairie, l'océan !
Après La Rivière à l'envers, on m'a souvent pressé d'écrire la "suite". Et je répondais : comment voulez-vous que j'écrive une suite à un roman qui se termine (presque) par : Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants ? Une autre question revenait très souvent : pourquoi vos héros sont-ils toujours des garçons ? Et puis je me suis rappelé qu'à la page 94, Hannah écrivait dans sa lettre à Tomek : "Avant d'entrer par hasard dans votre épicerie, j'ai eu bien des aventures incroyables. Je vous les raconterai peut-être un jour". Alors j'ai replongé et j'ai entrepris avec délectation ce long récit à la première personne. J'ai écouté en l'écrivant les mêmes musiques (Lakshmi Shankar, Sheila Dhar, chanteuses de l'Inde du Nord).
Extrait
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Je me revois perchée sur ses épaules, plus fière qu'une reine, dans la cohue du marché aux oiseaux. Tout ce que le monde connaît de bec et de plume était rassemblé là. L'oiseau-lyre délicat que le vendeur brandissait sur son poing tendu. Les inséparables, par milliers dans leur volière multicolore. L'autruche que son vendeur tirait derrière lui au bout d'une laisse, comme un montreur son ours. Les aras aux couleurs éclatantes, les colombes blanches comme neige, les tisserins, les bengalis… Cela sifflait, bruissait, roucoulait, piaillait, chantait. On dit souvent que les enfants ne connaissent pas leur bonheur. Je connaissais le mien. Je le mesurais. Avoir six ans, être perchée sur les épaules de son père, tenir sa tête entre ses mains, regarder en dessous la ville ivre de couleurs et de bruits, et surtout avoir le droit de choisir parmi tous les oiseaux du monde celui qu'on rapportera chez soi.
— Quel oiseau voudrais-tu, Hannah ? Lequel te ferait plaisir ?
Voilà la question que mon père me posait chaque année depuis ma naissance. Et chaque année, je pointais mon doigt : je voudrais celui-ci, je voudrais celui-là… Il l'achetait aussitôt, sans regarder au prix et je l'ajoutais aux autres dans ma jolie volière.
Pourquoi cette année-là ne suis-je pas arrivée à me décider ? Je ne sais plus. En tout cas, il était presque midi et je n'avais toujours pas choisi. Comme il faisait très chaud, mon père s'est engagé dans une ruelle ombragée, à l'écart du tumulte, et nous nous sommes assis sur les marches de pierre d'une maison. Restons un peu ici, a-t-il dit, nous nous reposerons. Un homme était accroupi juste à côté de nous avec une cage d'osier entre ses genoux. J'y ai jeté un seul coup d'oeil.
— Je voudrais celui-ci.
— Celui-ci quoi ? a marmonné mon père qui n'avait remarqué ni l'homme ni la cage.
— Cet oiseau-ci. Je le veux.
C'était une petite passerine bleu turquoise, avec sous le cou une tache d'un jaune vif éblouissant. Jamais je n'avais vu plus bel oiseau. J'en suis tombé amoureuse aussitôt.
L'oiseleur, un vieil homme maigre, a pris la cage et l'a posée devant moi pour que je puisse mieux regarder. Il ne semblait pas très bavard.
— Combien coûte-t-il ? a demandé mon père.
— Cinq cent mille livres plus une bouteille de rhum, a répondu l'homme le plus tranquillement du monde et, comme nous ne comprenions pas, il a continué ainsi, je me rappelle exactement ses mots :
— Cinq cent mille livres, c'est le prix de l'oiseau. Et la bouteille de rhum sera pour me consoler de l'avoir perdu. Car cette passerine n'en est pas une. Elle est une princesse qu'un sortilège a transformée en oiseau, il y a plus de mille ans. Voyez son bec, voyez ses yeux. Elle voudrait parler et nous dire son histoire. Elle ne le peut pas. Elle se contente de chanter.
J'ai approché mon visage tout près de la cage et la passerine semblait me supplier : "C'est vrai ! C'est vrai ! Il faut le croire !"
Mon père se taisait. Son regard allait de l'oiseleur à la cage, de la cage à l'oiseleur. Il allait ouvrir la bouche, pour marchander peut-être, quand l'oiseleur a repris :
— Je suis un vieil homme et je ne peux plus travailler. Elle est mon seul bien. Voilà pourquoi j'en demande cinq cent mille livres et pas un sou de moins. Plus la bouteille de rhum…
Alors mon père, qui était devenu fou le jour de ma naissance, je te l'ai déjà dit, Tomek, fou de bonheur, mon père est devenu fou une seconde fois. Il a seulement demandé au marchand de garder l'oiseau, qu'il lui faudrait quelque temps pour rassembler l'argent. En une semaine, il a vendu tous ses biens : ses maisons, ses troupeaux, ses terres, ses meubles, ses vêtements, ceux de mes frères et ceux de ma mère, il a vendu jusqu'à nos draps… Puis, comme ce n'était pas suffisant, il a emprunté à des usuriers. Et nous avons acheté l'oiseau. Ma mère n'a pas pu supporter cela, elle est partie avec mes frères, emportant avec elle le peu qui restait. Elle a seulement laissé la passerine. Mon père et moi nous sommes installés dans une pauvre cabane. Il s'est loué comme homme-cheval et pendant trois ans il a tiré les voitures à bras dans les rues de notre ville qui sont très en pente. Un matin, il ne s'est pas levé. Il était mort, d'épuisement. Je n'avais que neuf ans. Ce matin-là s'est achevé mon enfance.
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LA RIVIÈRE À L'ENVERS 1 : TOMEK
"Ce conte merveilleux contemporain possède tous les atouts pour devenir un classique".
(Le Magazine littéraire, Michèle Kahn, février 2001)
"Ainsi vous avez tout dans votre magasin ? demanda la jeune fille. Vraiment tout ?" Tomek se trouva un peu embarrassé : "Oui, enfin tout le nécessaire". "Alors, dit la petite voix fragile, alors vous aurez peut-être… de l'eau de la rivière Qjar ?" Tomek ignorait ce qu'était cette eau, et la jeune fille le vit bien : "C'est l'eau qui empêche de mourir, vous ne le saviez pas ?"
La Rivière à l'envers est tout le contraire de L'Enfant Océan. Je l'ai écrite dans le plaisir et la jubilation, même les pages mélancoliques. Les chapitres dégringolaient de moi en veux-tu en voilà. Ma main n'allait pas assez vite. J'en riais tout seul. J'ai écrit ce roman à plus de soixante-dix pour cent dans les trains, sur des cahiers d'écolier. C'était à l'automne 1999. Depuis, après une récréation qui m'aura permis de publier un roman pour les "grands" (Je voudrais rentrer à la maison, chez Arléa, janvier 2002), j'ai achevé la suite, La Rivière à l'envers : Hannah, paru en mai 2002.
L'ENFANT OCÉAN
"On rit, on pleure, on en sort différent".
(La Croix, 26 mai 1999)
Une nuit, Yann réveille ses six frères aînés, tous jumeaux. Il faut fuir : leur père a menacé de les tuer.
Irrésistiblement attirés par l'Océan, les sept enfants marchent vers l'Ouest.
De l'assistante sociale au routier qui les prend en stop, du gendarme alerté de leur disparition à la boulangère qui leur offre du pain, chacun nous raconte à sa façon un peu de leur incroyable équipée.
Le point de départ de ce récit, c'est-à-dire le cartable jeté dans le puits, est une histoire vraie. Pour le reste, je me suis évidemment inspiré du Petit Poucet de Charles Perrault. Par ailleurs, je connais bien, et pour cause, l'univers dont je parle : une ferme, une famille nombreuse. Mais la comparaison entre le roman et mon enfance s'arrête heureusement là : je n'ai jamais fugué avec mes frères et soeurs.
Extrait
[...]
Deuxième partie Chapitre II.
Récit de Rémy Doutreleau, quatorze ans, frère de Yann.
On a quitté la route. C'est mieux parce qu'on peut marcher tous ensemble, et puis on a plus à se coltiner le sac, Fabien et moi. On commençait à avoir les bras et les épaules bien endoloris. À la fin, on avait trouvé un truc : on portait à deux, chacun une anse et le sac entre nous, comme si on revenait de faire les commissions. Mais on avait beau changer de côté tous les cent mètres, ça nous sciait quand même méchamment les doigts. Bref, on porte plus le sac et ça nous soulage drôlement, surtout Fabien qui est un peu moins costaud que moi.
On suit les chemins, les sous-bois, le bord des rivières. Parfois c'est large et doux sous les pieds, alors on marche de front, d'un bon pas, presque gaiement ; plus loin ça se resserre et on va en file indienne. Ailleurs on s'égare dans les herbes hautes, il faut qu'on reprenne Yann sur nos épaules et on ressort trempés. Il y a des moments où on se décourage un peu : on a l'impression qu'on n'arrivera jamais nulle part, qu'on pourra bien s'enfoncer les jambes dans le ventre à force de marcher, que tout ça servira à rien. Mais aucun d'entre nous veut être le premier à se plaindre, alors on se tait et on continue...
Parfois on est récompensés. Vers la fin de l'après-midi, par exemple, on a suivi longtemps un chemin de halage, le long d'un canal qui allait vers l'ouest. C'était bien. On marchait au sec. On n'avait ni trop froid ni trop chaud, ni rien du tout. Sans le vouloir on a accéléré, comme si le canal menait tout droit à l'Océan et qu'on l'atteindrait peut-être avant la nuit si on allait assez vite. On savait bien que c'était pas vrai, mais ça nous faisait plaisir de penser comme ça.
À un moment, on a tous fait nos besoins ensemble derrière un taillis. On s'est essuyés comme on a pu avec des feuilles et on s'est lavé les mains dans l'eau du canal. Elle était pas chaude. C'est juste après ça que la nuit est tombée d'un seul coup et que le froid nous a saisis. On a marché encore un peu, mais le chemin est vite devenu étroit et il a fini par se perdre tout à fait dans les orties. On a fait demi-tour sur un bon kilomètre, jusqu'à un pont, et on s'est assis contre le petit mur de pierre.
Les moyens avaient leur oeil des mauvais jours, bien noir et bien farouche, et comme en plus ils suçotaient tous les deux les lanières de leur casquette, c'était pas difficile de comprendre qu'ils avaient faim.
Les petits avaient l'air fatigués, maintenant.
— Où c'est qu'on va dormir ? a demandé Victor en ôtant ses souliers de dame.
On a vu que ses pieds étaient blessés, dessus, ça faisait des barres rouges pas bien jolies. Il était rudement courageux de continuer comme ça. Par-dessus le marché, la brûlure des orties avait avait couvert ses chevilles de petites cloques blanches. Comme personne répondait, sa bouche s'est tordue et il a commencé à pleurer en silence. J'ai fait comme si j'avais pas vu, et les autres pareils. De toute façon, on n'avait pas de quoi le soigner, alors ça aurait rimé à quoi de faire semblant ? Dans ces cas-là, si on console, c'est tout de suite les grandes eaux. Il vaut mieux regarder ailleurs.
On en était là de notre brillante situation quand Yann a levé l'index.
— Vous entendez ?
On n'entendait que dalle. À part les reniflements de Victor et le floc d'une grenouille dans le canal, c'était le silence. Mais comme Yann tenait toujours son doigt en l'air, on a tendu l'oreille et on a entendu aussi. Et puis on a distingué une traînée de lumière à l'horizon, comme un long coup de griffe rouge dans le noir de la campagne.
Le train fonçait dans la nuit, à pleine vitesse. Et il allait vers l'ouest.
[...]
A COMME VOLEUR
À quatorze ans, Arthur se retrouve seul dans un appartement de HLM. Sa mère vient de partir, son père ne donne plus signe de vie depuis longtemps. Pour survivre, Arthur se fait voleur. Et par amour pour Florence, la fille à la jolie bouche qui tient une caisse au supermarché du coin, il imagine le plus beau projet de sa vie, un projet lumineux.
Là aussi, je suis parti d'un décor connu. Il s'agit de la ville de Dieppe, même si elle n'est jamais nommée. Dans mon projet initial, Arthur était passionné par les avions. Je voulais jouer sur le double sens du mot "vol". Mais le football et le Brésil se sont imposés. A comme Voleur devait d'abord s'appeler Le voleur de Brésil !
Extrait
[...]
Chapitre VI
Enfermé à double tour dans l'appartement, Arthur s'imposa encore quelques minutes de patience. De la fenêtre ouverte lui parvenaient encore les bruits de la fête. Florence était là-bas. Est-ce qu'elle s'était aperçue tout de suite du vol ? Est-ce qu'elle avait pleuré ? Est-ce que lui, Arthur, l'avait fait pleurer ?
Le sac volé était posé sur le matelas sans draps. Il avait l'air étonné d'être là, dans un endroit où il n'avait rien à faire. Arthur le regarda. Il n'était pas pressé et c'était bon d'attendre. Fini la peur, la panique, l'estomac qui se tord. Il allait pouvoir fouiller à son aise, découvrir, toucher ces choses qui lui appartenaient, à elle. Il en eut un frisson de plaisir. Il prit encore le temps de boire au robinet, puis il s'assit, se cala le dos contre le mur et ouvrit le sac.
Une clef d'abord. Une petite clef plate accrochée toute seule à un cordon de cuir. Pas de clef de contact. Ils avaient dû venir voir les cerfs-volants avec sa voiture à lui. Ou bien à pied. Au moins ils pourraient rentrer chez eux. Enfin, chez eux ou ailleurs puisqu'ils n'avaient plus de clef !
Il n'y avait pas de portefeuille mais seulement une pochette de tissu bariolé avec une fermeture Éclair. Dedans un billet de deux cents francs plié en deux. Pas de monnaie. Une carte d'identité. Arthur la détailla. Sur la photo, Florence portait des lunettes et ressemblait à une adolescente, avec ses joues rebondies et son sourire timide.
Nom : Cruz
Prénom : Florence
Née le...
Elle avait vingt-deux ans tout juste. À "signes particuliers" ils avaient mis néant. Évidemment, on ne peut pas mettre jolie bouche, ça ne ferait pas sérieux. Dans la pochette, Arthur découvrit encore une carte bancaire dans son étui, une carte de téléphone et un sachet d'Aspégic. Puis il retourna carrément le sac et il en tomba pêle-mêle un carnet d'adresse, des mouchoirs en papier, un stylo-plume et une enveloppe.
L'enveloppe était fermée, épaisse et portait l'adresse du destinataire :
Hamilton Cruz
Rua Getulio Vargas
Estado da Guanabara
Rio de Janeiro – Brasil
Il pouvait bien y avoir quatre ou cinq feuilles là-dedans. Elle n'était pas timbrée. Arthur la mit de côté et éplucha le carnet d'adresses. Tous ces gens qu'elle connaissait, à qui elle téléphonait, à qui elle rendait visite, qu'elle embrassait... De quoi être jaloux. Il n'avait pas de carnet d'adresses, lui. Un carnet de maladresses à la rigueur ! Il cherche si son nom n'y figurait pas, par hasard. C'était absurde, mais ça ne le fit même pas rire.
Enfin il revint à l'enveloppe. Il la palpa, essaya de voir par transparence si on distinguait l'écriture. Sa première idée fut de ne pas l'ouvrir, de l'affranchir et de la poster dès le lendemain matin. On pouvait être un pickpocket eyt avoir de l'élégance, non ? Arsène Lupin était bien comme ça, lui. Mais c'était trop tentant. L'envie d'entrer dans le secret était trop forte. Il allachercé un couteau à la cuisine, trancha proprement le haut de l'enveloppe et en tira une lettre.
La première chose qu'il vit fut la photo. Elle était récente, celle-là. Florence, en robe légère, posait à côté d'une voiture garée devant un pavillon. Elle riait de toutes ses dents. Sans doute que le photographe faisait le pitre ou quelque chose comme ça. En tout cas, elle semblait trouver ça très drôle. L'image du bonheur.
[...]
LA BALAFRE
"Un roman original qui mêle habilement fantastique et histoire."
(Je bouquine, mai 1998)
Olivier, treize ans, vient d'emménager à La Goupil, un hameau perdu. Un soir, l'adolescent est attaqué par le chien des voisins qui se jette sur la grille avec une rage terrifiante. Ses parents pensent qu'il a rêvé, car la maison est abandonnée depuis des années. Olivier est le seul à croire à l'existence de l'animal, le seul à voir une petite fille jouer avec ce chien. Obsédé par ces apparitions fantomatiques, Olivier veut comprendre.
J'ai écrit ce premier roman très vite. En le commençant, je n'avais que le décor (où j'ai vécu un an) et l'idée du chien fantôme. La petite fille est venue plus tard. J'ai d'abord imaginé que le drame se serait déroulé dans les années soixante. J'ai tourné en rond avec ce projet pendant quelques jours.
Puis, dès que j'ai pensé à la période de l'occupation, l'histoire a jailli avec beaucoup de violence et je l'ai bouclée en deux semaines. Je suppose qu'elle me vient d'un souvenir d'enfance : la photo d'une jeune fille juive que mes grands-parents ont cachée dans leur ferme pendant la guerre.
Extrait
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(...) Mon père rentrait la nuit et on était heureux de se revoir. On faisait un repas plus copieux et on passait la soirée à bavarder et lire. La télé était restée dans un carton et personne ne songeait l'en sortir. Le téléphone ne sonnait pas. C'étaient des heures étranges et paisibles. On les dégustait secrètement, comme si on avait su tous les trois qu'elles étaient rares et fragiles. En parler aurait rompu le charme. Peut-être devinait-on qu'elles seraient les dernières ? J'ai toujours cru à ces choses-là, je veux dire à la prémonition, à ce qu'on sait sans le savoir, aux signes... J'ai toujours cru qu'on était davantage qu'un agglomérat de cellules chimiques. J'ai toujours su qu'il existait un mystère.
En tous cas, par la force des choses, notre petite communauté s'était resserrée. On était comme sur une île déserte. Je crois qu'on ne s'était jamais autant aimés.
(...) C'est un soir comme ça qu'eut lieu ma première rencontre avec le chien.
(...) Je ne suis pas peureux et j'ai un tempérament calme. Je veux dire que je sursaute rarement, par exemple. Ceux qui s'amusent à s'avancer silencieusement derrière moi et à me poser la main sur l'épaule en sont pour leurs frais. Ça ne me fait ni chaud ni froid.
Mais là, c'est comme si on m'avait déchiré en deux. "Déchiré en deux", c'est la meilleure expression que j'ai trouvée ensuite pour faire comprendre ce que j'ai ressenti, mais ça c'était plus tard, quand j'ai été capable de parler à nouveau.
Je n'étais pas sur mes gardes, c'est le moins qu'on puisse dire.
(...) L'animal s'est jeté sur la grille avec une rage terrifiante. À la hauteur de ma tête. (...) Je me suis retrouvé projeté à cinq mètres, dans le fossé opposé. Très loin, j'entendais la voix de ma raison qui me hurlait : ça n'est qu'un chien ! Ça n'est qu'un chien ! C'est rien ! Calme-toi ! Mais mon corps n'entendait pas. Tout en moi était affolé. J'avais la bouche grande ouverte et mon coeur tapait dans ma poitrine à la faire éclater. Quand ma panique s'est un peu calmée, j'ai pu regarder.
Le chien continuait à attaquer dans un déchaînement de fureur. Il prenait deux à trois mètres d'élan et se lançait à l'assaut de la grille. C'était un berger allemand au pelage très sombre. Je voyais ses petits yeux serrés plantés dans les miens, ses poils hérissées en crinière sur ses épaules puissantes. Il n'avait aucune chance de la franchir, cette grille, c'était évident, elle était haute d'au moins trois mètres. Mais l'acharnement qu'il mettait à se jeter dessus me glaçait le sang. Il avait même dû se blesser tout seul dans sa frénésie : à l'épaule son pelage était rouge de sang.
En me relevant, j'ai vu qu'une lumière s'allumait à l'étage chez la petite vieille en face, sans doute dans sa chambre. Cela a duré quelques secondes seulement et puis elle s'est éteinte. J'ai fait en titubant les quelques mètres qui me séparaient de chez nous. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai sonné alors que la porte n'était pas fermée à clef. Il suffisait de la pousser.
— Qu'est-ce qui se passe ?
Mon père s'avançait vers moi en bas de pyjama.
— Mais qu'est-ce que c'est que ce travail ? Tu es blanc comme une fesse !
J'ai seulement pu articuler :
— Le chien de voisin... il m'a juste fait peur.
Et je me suis laissé tomber sur le canapé.
[...]
JE VOUDRAIS RENTRER À LA MAISON
"À chacun de trouver ici, sous forme de traces fugaces et de sensations partagées avec l'auteur, de quoi alimenter son petit moulin mémoriel..."
(Sitarmag, 08/05/06)
"Rentrer à la maison", c'est l'idée fixe d'un garçon de dix ans qu'on a mis à l'internat. Cela se passe en 1962, dans une petite ville d'Auvergne. Trente-huit ans plus tard, il raconte le dortoir, la cour, l'étude du soir et la promenade du jeudi. Il revit au présent ces évènements dérisoires mais qui refusent obstinément de s'effacer : la gifle injuste, les billes perdues, la grille qui se referme ! Autant de tragédies minuscules dont l'évocation ne manque ni d'ironie amère, ni de drôlerie. Jean-Claude Mourlevat a déjà publié quatre romans pour la jeunesse. Je voudrais rentrer à la maison, roman autobiographique, est pour lui une récréation.
S'il y a une idée qui me trottait dans la tête depuis longtemps, c'est bien celle-là. J'avais évoqué si souvent cette année 1962 à l'internat d'Ambert ! Et on m'avait dit presque aussi souvent : tu devrais l'écrire ! Voilà, c'est fait… Je ne prétends pas à l'exactitude ni même à la vérité. Ceux qui ont partagé cette année-là avec moi et qui ont meilleure mémoire trouveront à redire : "ça ne s'est pas passé comme ça ! ça ne s'est pas passé cette année-là !" Qu'importe. Je me souviens de cela, moi ! Et surtout, j'ai voulu retrouver l'état d'âme particulier qui était alors le mien, la mélancolie profonde, le chagrin. J'ai tâché bien entendu d'y mettre un peu de drôlerie, par respect pour ceux qui ont vécu ou vivent des détentions plus cruelles. Mais je continue cependant à penser que la détresse ne se mesure pas si aisément, qu'il n'y a pas une détresse légitime et une autre qui ne le serait pas. Je dédie ces pages à mes cinq frères et sœurs qui ont monté avec moi le petit escalier de terre chaque lundi matin d'hiver, dans la nuit, pour aller prendre le car, et qui, comme moi, ont rêvé leur gâteau du samedi.
Extrait
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Boeuf
Premier à surgir de ma mémoire : Boeuf.
Pourquoi justement lui ? Je ne sais pas. Il émerge du brouillard, échappé comme un coureur cycliste, seul et net. Il est en noir et blanc (tous mes souvenirs de cette année-là sont d'abord en noir et blanc, ils se colorisent ensuite seulement). Je le vois dans tous ses contours à présent : il porte sa blouse grise, comme nous tous, il a les épaules voûtées, le teint pâle et le cheveu terne. Ses dents de devant sont trouées, par l'acidité sans doute. Car Boeuf est doté d'une singularité étonnante : il a le don de régurgiter à sa guise les aliments, en particulier la viande. Il en avale exprès de gros morceaux sans les mâcher. Après le repas de midi ou plus souvent après celui du soir (privilège à ses camarades d'internat), il fait la démonstration de son art. Pour regarder il faut s'acquitter de cinquante centimes (cinquante francs dit-on encore par habitude). On se rassemble autour de lui, loin des surveillants, dans un coin plus sombre de la cour. Une dizaine de spectateurs sont conviés, pas plus (on dit la jauge au théâtre). Il encaisse d'abord l'argent et il éloigne les resquilleurs. Enfin il commence : il presse son estomac de ses deux poings serrés, hoquette à plusieurs reprises, son visage se contracte, devient violacé, puis il glisse deux doigts au fond de sa gorge et, dans un spasme silencieux, vomit un lambeau de chair visqueuse. Il le montre rapidement dans sa paume ouverte :
— Tout le monde a vu. C'est bon ?
Il a une conscience professionnelle, Boeuf. Pas question de faire payer quelqu'un qui aurait mal vu. Pour finir il remange aussitôt le morceau de viande :
— Si on laisse refroidir, c'est dégueulasse.
(J'ai beau réfléchir, je pense qu'il s'agit là bel et bien du premier spectacle payant auquel j'ai jamais assisté. J'ai paraît-il vu Peter Pan au cinéma en 1955 à Clermont-Ferrand avec notre tante mais je n'en garde aucun souvenir).
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LES TROIS CARAMELS CAPITAUX
Il a mené une belle vie, simple et honnête, sans tache. Aussi, lorsqu’il meurt, la première fois, il est sûr d’avoir gagné son paradis. Oui, mais Saint-Pierre n’est pas de cet avis : il n’a pas oublié les trois caramels mous volés à l’âge de sept ans et demi...
Mes trois « hommes » de la collection « Petite poche » commençaient à se faire vieux. Mais comme j’aime bien changer, je n’ai pas voulu en inventer un quatrième dans le même registre. Celui-ci raconte à la première personne et cette fois il est question de religion, de croyance. Je me suis rappelé mon premier disque vinyle, héritage d’une tante : « Les lettres de mon moulin » d’Alphonse Daudet, lues par Fernandel et en particulier « Le curé de Cucugnan », avec le paradis, le purgatoire et l’enfer.
SILHOUETTE
10 nouvelles fortes et cruelles
Lorsqu'elle découvre que son acteur préféré vient tourner près de chez elle, Pauline, une mère de famille discrète, répond à une annonce pour être « silhouette » sur le tournage.
Puisque ses jours sont comptés, M. Duc n'a qu'une idée en tête : retrouver les personnes auxquelles il a fait du mal autrefois et leur demander pardon...
Dans le car qui l'emmène en colo, Guillaume, 14 ans s'aperçoit qu'il a laissé son chat enfermé dans sa chambre. Il doit impérativement retourner le délivrer...
Que réservera le destin à ces héros ordinaires habités chacun de belles intentions ?
Dix histoires très différentes, dont les chutes tombent toujours comme des couperets. Jean-Claude Mourlevat souligne avec humour noir et jubilation l'absurdité de la destinée humaine et la vanité de nos élans.
L'idée d'écrire des nouvelles m'est venue, après « Terrienne », de ma longue incapacité à m'engager dans un nouveau roman. Toutes mes tentatives échouaient et j'étais à vrai dire assez découragé. Au point de me demander si j'écrirais jamais autre chose. Les idées ne me manquaient pas, mais l'énergie et l'élan oui. Alors j'ai pensé à des histoires courtes et je me suis lancé. Les deux premières que j'ai écrites ne figurent pas dans le recueil. J'ai trouvé le bon tempo et la cohérence à partir de la troisième seulement.
Pourquoi sont-elles aussi cruelles, me demande-t-on. Je ne sais pas. Je ne me suis pas posé cette question de fin heureuse ou malheureuse. Elle m'importe peu, cette question. La seule chose qui compte pour moi : est-ce que mon histoire est intéressante ? Est-ce qu'elle est juste ? Et surtout : est-ce qu'elle me plaît, à moi ?
Et puis, cela m'a fait « des vacances » par rapport à cette littérature de « jeunesse » où il convient de ménager les lecteurs, avec ce que cela suppose de concessions.
Mes préférées sont Silhouette et Ouessant.
Ouessant (extrait)
[...]
Notre père était tâcheron.
Tâcheron, c'était se faire embaucher, à la journée ou plus longtemps, pour débroussailler un talus, assainir un fossé, charrier des gravats, curer une fosse à purin, enfin toutes ces tâches rebutantes dont on revient sale, parfois dégoutant et toujours rompu de fatigue.
Notre mère disait que c'était ”provisoire”, qu'il allait bientôt trouver un autre travail, mais ce provisoire a duré toute notre enfance.
À l'école, nous devions dire qu'il était ”journalier”, ou encore mieux ”ouvrier agricole”. En réalité, il prenait tout ce qu'on lui proposait. Parfois il restait une semaine sans rien à faire. Puis il travaillait deux ou trois journées d'affilée la semaine suivante. Nos camarades nous lançaient :
— Hé ! Ton père est venu chez moi, hier ! Il a débouché les toilettes.
[...]
À l'occasion du Salon du Livre de Paris 2013, Jean-Claude Mourlevat présente son ouvrage "Silhouette". Auteur de la vidéo : Librairie Mollat
DE L'EAU DE-CI DE-LÀ
Laissez-vous emporter par les flots d'histoires et le jaillissement d'images que vous offrent écrivains, dessinateurs, poètes, illustrateurs ! L'eau des sources miraculeuses et des moussons qui tardent, l'eau des origines, celles des fleuves qui tarissent, eau chlorée des piscines et vagues de l'océan, de la première goutte de pluie à la dernière larme, eau douce ou salée, minérale rare ou précieuse…
"OUESSANT 59"
dans BONNES VACANCES !
Ce recueil propose 27 nouvelles d'auteurs variés, sur le thème des vacances. Il a été réalisé à l'initiative généreuse de l'association "L'Écrit du coeur", afin de soutenir le Secours Populaire Français dans son action en faveur des enfants sans vacances. Les auteurs, invités à s'exprimer sur ce thème, livrent certains de leurs meilleurs souvenirs, réels ou fictifs…
Commentaire de l'éditeur : Assez harmonieux quant à la qualité de l'écrit, cet ensemble de textes restitue parfaitement les ambiances de vacances, répondant ainsi à la vocation de l'ouvrage. Extrêmement contrastés malgré tout, les souvenirs diffusent des effluves de vieille maison, d'entassement joyeux, de sable chaud, autour de la fabuleuse construction d'un château de sable... mais aussi des souffrances affectives : séparation parfois violente, acharnement pour réussir, décès, arrachement à l'enfance, rencontre amoureuse imaginée (on ne peut éviter un fantasme d'adulte)… Certains analysent ainsi la formation du souvenir, l'approche du premier vrai roman, la victoire sur la peur du noir, la découverte de la télévision, mais aussi les premiers émois et le chaos sentimental de l'adolescence. Langage poétique, familier, imagé et coloré comme l'Afrique, tous les styles se côtoient, le plus souvent dans une écriture riche, travaillée, ciselée, qui permet des évocations délicates d'une rare qualité. […] (C. G.)
Commentaire de l'auteur : "Ouessant 59" est, parmi tout ce que j'ai écrit, une des choses dont je suis le plus fier. C'est une courte nouvelle, ça a l'air mineur, mais j'y suis très attaché. C'était pour le Secours Populaire. Il fallait écrire un souvenir de vacances. Réel ou imaginaire. J'ai écrit celui-ci, qui a l'air plus vrai que vrai, mais qui est une pure fiction, comme je le précise d'ailleurs en fin de nouvelle. Il y a dedans la douce mélancolie du souvenir (j'adore la chanson de Jonasz : Alors on regardait les bateaux... C'est la même petite musique) et la nostalgie de quelque chose qu'on n'a pas vécu, c'est étrange. J'aime sans doute ce texte parce qu'il représente, en abrégé, tout ce que j'essaie de faire dans mes romans, c'est-à-dire, l'intrication des vies inventées et de ma vraie vie, au point qu'on ne sait plus très bien définir les limites. La photo de l'histoire, je ne suis pas loin de l'avoir dans mon portefeuille.
L'HOMME QUI LEVAIT LES PIERRES
"Conte de sagesse, conte initiatique, écrit avec le charme et la verve d'un vrai conteur."
(Livres jeunesse, décembre 2004)
Ruper Oaza est l'homme le plus fort du monde. Chaque dimanche, sur la place du village, il soulève une énorme pierre devant la foule rassemblée. Petit et malingre, Peio est fasciné par la force de Ruper Oaza et rêve de le remplacer un jour. Ruper accepte de lui donner des leçons... sans pour autant lui faire toucher la moindre pierre !
J'ai eu l'idée de ce conte l'été 2003 au Pays Basque en regardant les hercules soulever des pierres de granit. Et aussi en regardant mes enfants expérimenter ce curieux phénomène : on se place debout contre un mur, de côté, et on pousse trente secondes avec le dos de sa main comme si on voulait repousser le mur. Ensuite on se dégage et on a cette sensation étrange : le bras s'élève tout seul, sans qu'on le commande. Cette histoire parle aussi, bien entendu, de l'apprentissage (celui qu'il faut accomplir pour lever les pierres ou plus simplement pour vivre sa vie), du long temps qu'il demande, et des voies complexes qu'il emprunte.
L'HOMME À L'OREILLE COUPÉE
"Magique !"
(L’Argus de la presse, février 2003)
Dans un port de Norvège, un vieux marin raconte chaque soir comment il a perdu l'oreille qui lui manque. Mais ce n'est jamais la même histoire ! À l'écouter, il a eu mille vies et l'a perdue mille fois, cette fameuse oreille…
Qui saura un jour la vérité ? Personne sans doute, mais quel conteur !
Est-ce qu'inventer, c'est mentir ? m'a demandé un jour un jeune lecteur. Non, bien sûr, puisque tout le monde est d'accord : celui qui raconte et ceux qui écoutent, celui qui écrit et ceux qui lisent. Tout le monde est du même voyage. Inventer, c'est même le contraire de mentir ! C'est chercher ensemble parmi tous les possibles des représentations nouvelles, des "leçons", des situations qui nous renvoient à notre réel et qui nous rendent plus avisés pour le déchiffrer, plus forts pour le vivre.
Dans tous les cas, et plus simplement, "inventer" des histoires est un plaisir, un cadeau, une jubilation. Le vieil homme à l'oreille coupée le sait bien. Jusque sur son lit de mort !
L'HOMME QUI NE POSSÉDAIT RIEN
"Quel fantasme de pouvoir vivre ainsi toute une existence, pour voir, et de retourner à son point de départ !"
(L’Argus de la presse, février 2003)
Dans une oasis du désert vivait un homme qui ne possédait rien.
Un soir, un chameau propose de l'amener dans la ville de Topka, de l'autre côté du désert. L'homme s'y installe, y travaille, se marie.
Il oublie le chameau qui pourtant l'attend. Devenu riche et vieux, l'homme se sent seul. La nostalgie de son oasis le gagne…
J'ai écrit ce texte sur commande.
À l'automne 1999, le Secours populaire a demandé à une quarantaine d'auteurs d'écrire une nouvelle, une pièce courte ou un conte. Ces textes inédits composent aujourd'hui les trois volumes d'un recueil intitulé Des mots pour la vie. Le bénéfice de la vente est intégralement consacré au développement de projets culturels en faveur des plus défavorisés. J'ai donc accepté de livrer avant la fin décembre un "joli conte porteur d'avenir pour l'an 2000" ! J'étais à cette période en pleine écriture de La Rivière à l'envers, si bien qu'au 15 décembre je n'avais toujours rien pour le Secours populaire… Et je devais partir dans le Ténéré quelques jours plus tard. Il y avait donc grande urgence… C'est sans doute l'imminence de ce voyage dans le désert qui m'a inspiré ce texte. La phrase-clé est bien entendu la question du chameau : "Voudrais-tu savoir ce qui arriverait si tu montais sur mon dos et si tu venais à Topka ?" Et le mot-clé dans cette phrase-clé est bien entendu le "si". D'ailleurs, qui d'entre nous ne serait pas fasciné à l'idée de pouvoir vivre cela ? Qui d'entre nous ne se demande pas : à telle ou telle époque de ma vie j'ai fait ce choix-ci. Que serait-il advenu de moi si j'avais fait ce choix-là ? Tu veux le savoir ? répondrait le chameau, alors monte… J'aime tellement ce thème et ce basculement dans l'étrange que je les ai exploités une seconde fois dans Hannah. Et j'ai poussé le clin d'œil jusqu'à nommer la ville Topka une seconde fois ! Quant à ma petite histoire de L'Homme qui ne possédait rien, j'ai été ravi de pouvoir l'offrir deux ans plus tard à la collection "Petite Poche" de Thierry Magnier.
SOUS LE GRAND BANIAN
"Un petit bijou de poésie."
(Grains de sel, n°31, déc. 2005-janv. 2006)
Il y avait, dans un village de l'Inde, deux soeurs. La plus jeune était aveugle, mais quand elles passaient ensemble sous le grand banian, pour elles, la vie ouvrait grand les yeux.
Après mes trois "hommes" (L'Homme qui ne possédait rien, L'Homme à l'oreille coupée, L'Homme qui levait les pierres), cette petite histoire indienne complète la série des "Il y avait quelque part quelqu'un qui..." Elle devait forcément être illustrée par Nathalie Novi, qui lui apporte lumière et beauté. Nathalie et moi avons beaucoup de points communs, entre autre ces deux-ci : nous sommes tous les deux cinquième enfant de six, et nous connaissons tous les deux Brassens à peu près par coeur !
LE JEUNE LOUP QUI N'AVAIT PAS DE NOM
Quelque part, au bord d'un chemin, un jeune loup pleure. Il pleure parce qu'il n'a pas de nom. Et c'est bien triste quand personne ne peut vous appeler. Il n'a pas de nom car il est le septième enfant de la famille ! Mais tout pourrait changer avec la rencontre de ce vieil homme qui porte un mystérieux sac sur son dos !
C'est le troisième conte écrit pour le spectacle à avoir été publié. Et c'est celui qui a obtenu le plus de succès auprès des petits lecteurs. Ce loup les a touchés ! Mais ils me demandent presque tous pourquoi il n'a toujours pas de nom à la fin de l'histoire. Cela les peine. Je dois alors leur expliquer ceci : lorsque le conteur dit ce texte et qu'il arrive au fameux passage de l'initiation, il montre comment le vieil homme murmure à l'oreille du loup un nom que nous n'entendons pas, nous, mais que le loup entend, lui ! Et il ajoute ensuite seulement : "Ce nom (que je viens de te donner) signifie Celui qui donne les noms. Désormais c'est toi qui iras sur les chemins, etc.". Évidemment, cette nuance fondamentale n'apparaît plus à la simple lecture !
HISTOIRE DE L'ENFANT ET DE L'OEUF
"... le charme, l'intrigue et la poésie des contes traditionnels."
(Libération Champagne, 18 décembre 1997)
Au fond d'une vallée couverte de neige se niche une petite maison. Un soir, la mère demande à l'enfant d'aller chercher l'œuf que la poule vient de pondre. L'enfant, obéissant, va chercher l'œuf, mais la poule refuse. Il n'aura cet œuf que s'il rapporte une poignée de grain. Il va alors vers le moulin, qui est surveillé par le chat, lequel s'ennuie et veut jouer avec une pelote de laine. Où trouver une pelote ? De personnages en lieux, l'enfant devra affronter de plus en plus de difficultés pour remplir cette mission : rapporter un oeuf !
Cette histoire est la toute première des cinq que j'ai écrites pour un spectacle de contes. C'est une "randonnée", m'a-t-on dit. C'est-à-dire que le héros est entraîné toujours plus loin dans sa quête, et qu'au retour il repasse par toutes les étapes de l'aller… Cette Histoire de l'enfant et de l'œuf est ma toute première publication, tous genres confondus ! C'était à l'automne 1997. Je l'ai écrite en me souvenant du chemin enneigé que je prenais, enfant, pour aller à l'école de mon village.
LES BILLES DU DIABLE
Tonio ne mange plus, ne parle plus, ne joue plus ; il ne veut plus rien…
— Mais si, je veux aller en Australie !
Ce petit album est une commande : trois chapitres, un enfant de sept ans, l'Australie ! Débrouillez-vous avec ça ! J'ai ouvert des guides de voyage pour me donner une idée et je suis tombé immédiatement sur ces étonnantes "Billes du Diable". J'aimerais bien les voir un jour pour de vrai !
KOLOS ET LES QUATRE VOLEURS
Il était une fois, au fond de la forêt, un géant qui s'appelait Kolos. Tout le monde avait peur de lui. Un soir, pourtant, quatre voleurs arrivent près de sa demeure…
C'est le deuxième conte écrit pour le spectacle. J'ai voulu y mettre beaucoup d'action. Un peu à la Tex Avery. Ça se cache, ça court, ça disparaît, ça se poursuit. J'aime beaucoup lire (et jouer) Kolos aux enfants. Un vrai moment de gaieté.
LE PETIT ROYAUME (épuisé)
Il était une fois un petit royaume qui ne connaissait que l'hiver. Pourtant, les gens y vivaient heureux car ils étaient gouvernés par des rois épris de lecture. Et, de génération en génération, les habitants avaient appris à aimer les livres autant que leurs rois. Mais un jour, Hagar, le chef des armées, prend le pouvoir et décide d'interdire tous les livres… Et, pour la première fois, une immense tristesse s'abat sur le petit royaume.
Il s'en est fallu de peu que cet album ne soit un roman. Il me semblait y avoir ici matière à un long récit : les paysages de neige, la conquête, des personnages truculents, une action qui couvre toute la vie du héros. Cette histoire raconte bien sûr le conflit éternel qui oppose la lumière et l'obscurantisme, la culture et la brutalité. D'un côté le fracas des armes, de l'autre le silence de la lecture. Nicole Claveloux a dédramatisé le sujet. Elle y a apporté légèreté et drôlerie.
LE VOYAGE DE ZOÉ (épuisé)
Comment faire pour aller à Pétaouchnok quand on s'appelle Zoé, que l'on a six ans et que l'on ne sait compter que jusqu'à six ?
L'histoire de Zoé te racontera son voyage. Mais attention, dans le train, une Zoé peut en cacher une autre !
C'est le quatrième (et dernier) conte du spectacle à avoir été publié. Il est assez complexe sans en avoir l'air. Je ne suis pas sûr de bien comprendre tout ce qu'il veut dire !
REGARDE BIEN… (épuisé)
Emma regarde, du haut de son balcon, les allées et venues des passants. Elle cherche à deviner qui ils sont, ce qu'ils font et où ils vont. Elle obtiendra des réponses, mais… surprise finale pour le lecteur !
Une histoire pour apprendre à regarder et s'amuser du spectacle du quotidien.
Cet album est le fruit d'une commande. C'est un bref texte sur le thème de la curiosité.
RATS
Une île. Un garçon. Un dictateur. Et beaucoup de rats. Ils ne surgissent d'abord que dans ses rêves. Puis Daniel les découvre à proximité de la pêcherie : des rats géants, qui nagent dans les égouts. Ils sont effrayants. Il n'y en d'abord que quelques-uns. Mais chaque jour ils sont plus nombreux. Et quand on les attaque, ils se défendent...
Quand des gens veulent te tuer, tu dois être malin pour survivre. Comme les rats...
Un thriller à vous glacer le sang dans les veines
David Fermer a grandi dans un petit village anglais, au bord de la Tamise. Dès son enfance, il écrit des histoires et les filme avec un ami. Après une formation artistique et cinématographique à Londres et à Berlin, il devient producteur de cinéma. Puis il commence à écrire lui-même et travaille pendant plusieurs années comme professeur d'anglais et d'art au Pérou et à Berlin. Aujourd'hui, David Fermer vit à Cologne et il se consacre exclusivement à la littérature.
KRABAT
Krabat, quatorze ans, mendie sur les routes de Saxe avec deux compagnons d'infortune. Une nuit, il rêve de onze mystérieux corbeaux, et une voix lui ordonne de se rendre au moulin de Koselbruch. Irrésistiblement attiré, il s'y présente. Malgré l'étrange accueil que lui réserve le maître, il commence son apprentissage avec onze autres garçons-meuniers, parmi lesquels Tonda, l'aîné, qui le prend sous son aile, Juro, le benêt, et le perfide Lyschko. Krabat comprend bientôt qu'il a mis les pieds dans un terrible engrenage. Pour échapper à ce piège, le garçon, aidé de ses plus proches amis et d'une jeune fille dont il est tombé amoureux, va défier ce maître cruel et tyrannique. Un roman envoûtant, à la mécanique implacable, destiné aussi bien aux jeunes lecteurs qu'aux adultes.
Krabat est un classique de la littérature allemande, mais on peut consulter le site de son auteur Ottfried Preussler à l'adresse suivante : www.preussler.de. C'est en allemand et en anglais. Krabat a un charme désuet qui m'a séduit. C'est un roman de froid, d'hiver. La forme est plus que classique. On se laisse vite envoûter par cette histoire fantastique, romantique et assez noire. Et puis ça se passe dans un moulin, et il se trouve que j'ai grandi dans un moulin… (voir Meunier tu dors…).
Ça me donne envie d'aller faire un tour dans la région où se déroule l'action, là-bas entre Dresde et Cottbus, et de découvrir le moulin de Koselbruch, de préférence un jour où il ferait un temps de chien.
LA SATANORMALÉFICASSASSINFERNALE POTION DU PROFESSEUR LABOULETTE
Le magicien Belzebut Laboulette et sa tante, la sorcière Tyrannie Vampiral, ont un problème : on est le 31 décembre à 17h et ils n'ont toujours pas accompli leur quota de mauvaises actions pour l'année (empoisonnement de rivières, extermination d'espèces animales, épidémies, etc). Ils risquent d'être horriblement punis par les Puissances des Ténèbres. Leur retard a été causé par le chat Maurice et le corbeau Jacob, que le Haut-Conseil des Animaux leur a mis dans les pattes pour les surveiller et les empêcher de nuire. Maurice est un bon gros chat que Belzebut neutralise en le gavant de nourriture et en le bourrant de somnifères. Jacob est un corbeau déplumé et ronchon, mais un peu plus intelligent que Maurice. Tyrannie Vampiral a une idée pour rattraper en quelques heures le déficit d'horreurs. Elle et son neveu vont confectionner un breuvage diabolique, un punch qui permet de réaliser instantanément les vœux les plus noirs. Comble de la perversité : il faut, au moment des souhaits, énoncer le contraire de ce qu'on désire. Ils pourront donc s'exprimer devant Maurice et Jacob sans crainte d'être démasqués. Mais Maurice le chat et Jacob le corbeau ont tout entendu, et ils vont s'employer à faire échouer le terrible projet de leurs maîtres. Il suffit, pensent-ils, de monter au clocher et de faire sonner le premier coup de minuit en avance. Ainsi, "l'inversion" ne sera plus valable et les souhaits se réaliseront tels qu'ils seront effectivement prononcés et non tels qu'ils sont pensés. Les deux braves animaux grimpent au clocher où le bon Saint-Sylvestre leur apparaît. Ils lui expliquent leur intention et celui-ci leur donne un "tintement de cloche" sous la forme d'un petit cube de glace à jeter discrètement dans le punch, ce qui annulera l'inversion. Ils y parviennent. Un peu avant minuit, Belzebut Laboulette et sa tante, saouls d'avoir bu le punch, prononcent mille vœux généreux et positifs, convaincus d'obtenir le contraire. Quand ils réalisent leur bêtise, il est trop tard. La scène finale : Jacob est rajeuni, remplumé. Maurice, devenu mince, tout blanc de poil et chanteur d'opéra (son fantasme) chante sous le ciel étoilé. Tout le monde fête joyeusement l'an nouveau.
Michael Ende n'a pas écrit que L'histoire sans fin, Momo ou Jim Bouton (que j'ai traduit). Ce texte est plus récent et beaucoup moins connu. Une excellente idée : les titres des chapitres sont des pendules qui indiquent les heures. On suit l'action en temps réel, de cinq heures à minuit, et on a envie de tourner les pages pour aller au bout. Michael Ende crée des mots-tiroirs et des mots inventés à la pelle, surtout dans les formules magiques. C'est très brillant, mais un sacré casse-tête à la traduction ! Les personnages sont plutôt amusants : les deux êtres humains, par leur méchanceté indécrottable, leur égoïsme et leur hypocrisie ; les deux animaux, longtemps pitoyables, par leur naïveté (surtout le chat). La protection de la nature et des êtres vivants est un thème cher à Michael Ende, auteur humaniste. Le sujet de ce roman, au-delà de la comédie, est le risque imminent de destruction du monde par les hommes. C'est un roman drôle et léger. Il n'a évidemment pas la dimension de L'histoire sans fin ni le charme naïf de Jim Bouton, mais d'un autre auteur que Michael Ende, on applaudirait à deux mains, alors…
JIM BOUTON ET LES TERRIBLES 13
Jim Bouton et Lucas ont un programme chargé ! Avec Emma et Molly les locomotives, les voilà partis sur l'océan chercher M. Tur Tur, car ils ont besoin d'un phare sur la Nouvelle Lummerland. Lors de ce voyage, ils rallument la mer de Barbarie pour Zourzoulapitchi, la petite sirène, et rendent visite à Mme Malzahn, le Dragon d'Or de la Sagesse. Elle seule sait où se cachent les Terribles 13, qui détiennent le secret de l'origine de Jim. Au terme de ces extraordinaires péripéties, Jim Bouton découvrira enfin qui il est.
La suite des aventures de Jim Bouton. Un conte enchanté et enchanteur, au charme intemporel.
Quel plaisir de me replonger dans la traduction de Jim Knopf ! Comme pour la première partie, et bien sûr avec l'accord des ayant-droits, j'ai fait un important travail d'adaptation. Il a surtout consisté à donner un peu plus de rythme au récit. Michael Ende, comme la plupart des auteurs allemands que je connais, adore expliquer, et plutôt deux fois qu'une. On peut, sans trahir, renoncer à quelques paragraphes. Cette deuxième partie m'a semblé un tout petit peu plus laborieuse que la première, mais elle reste délicieuse. Gaëtan Doremus, qui a réalisé les illustrations, s'est mis au service de l'histoire, avec modestie et talent. Lisez, offrez Jim Bouton ! Vous ferez des petits heureux !
JIM BOUTON ET LUCAS, LE CHAUFFEUR DE LOCOMOTIVE
"L'histoire de Jim Bouton est l'une de ces histoires, vous savez, qui rendent heureux..."
(Citrouille, novembre 2004)
La minuscule île de Lummerland est devenue trop exiguë pour le roi Alphonse-Midi-Moins-le-Quart et ses… quatre sujets ! Lucas et Emma, sa vieille locomotive, doivent partir.
Le petit Jim Bouton, qui rêve d'explorer le monde, les accompagne. D'aventure en aventure, ils arrivent à Ping, la capitale de Mandala. Là, ils apprennent que Li Si, la fille de l'empereur, a été enlevée. Elle serait prisonnière dans la Cité des Dragons… N'écoutant que leur courage, Jim, Lucas et leur bonne Emma se lancent à sa recherche.
Un conte enchanté et enchanteur, une aventure magique, ponctuée de rencontres fabuleuses.
Il y a six ans, un ami allemand m'a mis entre les mains cette petite merveille de la littérature allemande : Jim Knopf. Comme beaucoup, je ne connaissais l'auteur, Michael Ende, que par sa célèbre Histoire sans fin.
Je suis immédiatement tombé amoureux de ce texte, et dès mon retour en France, j'ai fait des pieds et des mains pour qu'il soit enfin à la disposition des lecteurs francophones.
En Allemagne, Jim Knopf est une institution. Il a été traduit en de nombreuses langues, mais jusqu'à ce jour, pas en français ! Voilà qui est fait. J'en suis très fier. Ce sera un grand et beau livre illustré. Je vous envie, lecteurs grands et petits, qui allez découvrir Jim Bouton. Vous avez bien de la chance !
ALI BABA, CHEVAL DÉTECTIVE
ROBINSON ET JULIETTE (épuisé)
Jo s'ennuie ; ses parents ont le toupet de profiter des vacances pour travailler. Heureusement qu'il a son livre, Robinson Crusöé, et ses excursions en matelas pneumatique.
Klaus Kordon est un auteur au style très classique. Il est moins amusant à traduire que Pestum ou Härtling. Mais c'est de la belle ouvrage ! On peut lui reprocher d'être trop exhaustif, de vouloir tout dire, tout expliquer, mais on finit par se faire avoir tout de même. Robinson et Juliette manque peut-être un peu de nerf à mon avis !
En traduisant, j'avais en permanence la tentation de couper les phrases en deux, en trois… Mais les personnages sont assez attachants au bout du compte.
ZORRO CIRCUS (épuisé)
En ce jour de fureur, Paul regretterait presque d'être né : il se fâche avec son meilleur ami, se brouille avec la fille qu'il aime et rate son devoir d'anglais. Paul craque et s'enfuit à bicyclette. Il rencontre alors un mystérieux garçon masqué qui l'entraîne dans un projet fou, fou, fou…
Aux valeureux, rien d'impossible !
Je me suis beaucoup amusé à traduire ce roman plein de gaieté et d'humour. Ces enfants que campe Jo Pestum et qui veulent "monter un cirque" sont débordants d'invention et d'énergie. Leur tapir-chabraque, leur basset de combat et autres loufoqueries m'ont enchanté. Et puis, qui n'a jamais rêvé de peindre un poney pour en faire un zèbre ? Mais il y a dans ce roman, au-delà de la drôlerie, une élégante mélancolie de notre enfance, de ce temps où l'on croyait tout possible. Merci monsieur Pestum !
HÄNSEL ET GRETEL
"Un album superbe, si effrayant qu'il en devient habité."
(evene.fr)
Quatrième de couverture : "Ils marchèrent toute la nuit et toute la journée du lendemain, depuis le matin jusqu'au soir, sans réussir à sortir de la forêt."
Gallimard m'a demandé de faire une traduction inédite de Hänsel et Gretel. Une traduction fidèle, de facture très classique. Tout pour me plaire. La difficulté a été de choisir mon texte de base parmi les éditions successives du conte, la première datant de 1812 et les dernières d'après… 1840. Finalement, j'ai choisi celle de 1819 qui m'a semblé "parfaite".
Les illustrations de Lorenzo Mattoti, à la fois obscures et lumineuses, ont désarçonné. Moi, je les adore.
L'OURS ET LA LUNE (Der Mondbär)
BON VOYAGE PETIT OURS ! (Gute Reise, Kleiner Bär !)
JEFFERSON FAIT DE SON MIEUX
Nouvelle enquête pour Jefferson, un hérisson comme vous et moi ! Quatre ans après la mémorable expédition Ballardeau, la vie a repris son cours tranquille pour Jefferson. Jusqu’à ce coup de fil de Gilbert, le cochon :
- Jeff, viens vite !
- Comment ça, viens vite ? Tu es où ?
- Je suis chez Simone. Il y a un lézard.
- Il y a quoi ?
- Un truc qui cloche. Viens !
- Mais c’est où ? J’ai pas de voiture, moi.
Découvrant que la gentille lapine dépressive a disparu, les deux compagnons filent sur ses traces et au-devant de bien des ennuis.
Écouter un extrait sur
https://www.ecoutezlire.fr/fr/products/jefferson-fait-de-son-mieux
JEFFERSON
Une histoire qui ne manque pas de piquants.
En ce radieux matin d’automne, le jeune hérisson Jefferson décide d’aller chez son coiffeur se faire rafraîchir la houppette. Comment pourrait-il imaginer, alors qu’il arrive plein d’entrain au salon Défini-Tif, que sa vie est sur le point de basculer ? Accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis, le brave Jefferson, 72 cm de frousse et de courage, est jeté dans une aventure qui le mènera, pour le meilleur et pour le pire, au pays des êtres humains.
Dans un polar haletant, parfois féroce, mais où dominent la tendresse, l’amitié et le bonheur de vivre, Jean-Claude Mourlevat aborde de façon inédite la question de notre rapport aux animaux.
LA RIVIÈRE À L'ENVERS
La Forêt de l’Oubli et ses arbres aux écureuils-fruits, le village des Parfumeurs, l’Île Inexistante dont on ne repart jamais… C’est un voyage fabuleux qui va entraîner Tomek et Hannah, deux jeunes orphelins, au bout du monde. Trouveront-ils cette rivière Qjar qui coule à l’envers et dont l’eau empêche de mourir ? Ou bien autre chose qu’ils ne cherchaient pas ?
LA TROISIÈME VENGEANCE DE ROBERT POUTIFARD
Comment occuper sa retraite quand on a été toute sa vie instituteur en CM1 ? Robert Poutifard n'a qu'une idée en tête : se venger de ses anciens élèves. Leur faire enfin payer ces années de chahut et d'humiliation ! La vengeance est un plat qui se mange froid, et Robert Poutifard leur prépare une vraie surprise du chef. Ces sales mômes vont vraiment déguster ! Et si le maître d'école détestait les enfants ? Une histoire méchamment drôle pour savourer les coups les plus tordus et les situations les plus atroces !
LA BALLADE DE CORNEBIQUE
Quand Gallimard m'a proposé d'enregistrer La ballade de Cornebique pour leur collection "Écoutez lire", j'ai bondi sur l'occasion. J'adore ce roman tonique, à la langue libérée et joyeuse. Mais j'aime aussi comment il bascule parfois dans la tristesse et la mélancolie. J'ai dû amputer le texte d'un tiers pour que ça passe sur deux CD au lieu de trois. Quel casse-tête ! Je n'ai fait disparaître aucun chapitre. J'ai juste sacrifié des paragraphes, raccourci des phrases, raboté partout où c'était possible, éliminé tout le superflu... Je n'ai pas la technique parfaite des très bons lecteurs. Ni la voix. Je fais avec ce que j'ai. Je m'amuse. Seulement, lire tout seul dans un studio, ce n'est pas lire devant les vrais gens. On est privé de leurs réactions, de leurs rires, on ne peut s'appuyer que sur sa propre énergie, alors qu'une lecture en public, c'est justement une circulation d'énergie. À l'écoute, je ne suis pas mécontent, mais j'estime que j'aurais peut-être pu me "lâcher" davantage.
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ET JE DANSE, AUSSI
(Russie)
ET JE DANSE, AUSSI
(Autriche/Allemagne)
ET JE DANSE, AUSSI
(République Tchèque)
ET JE DANSE, AUSSI
(Autriche/Allemagne)
ET JE DANSE, AUSSI
(Italie)
TERRIENNE
(Hongrie)
SOPHIE SCHOLL
(Allemagne)
LE COMBAT D'HIVER
(Brésil)
LE COMBAT D'HIVER
(Cruïlla, Catalogne)
LE COMBAT D'HIVER
(U.S.)
LE COMBAT D'HIVER
(U.K.)
LE COMBAT D'HIVER
(Russie)
LE COMBAT D'HIVER
(Corée)
LE COMBAT D'HIVER
(Italie)
LE COMBAT D'HIVER
(Allemagne)
LE COMBAT D'HIVER
(Japon)
LE COMBAT D'HIVER
(Espagne)
LE COMBAT D'HIVER
(Tchécoslovaquie)
LE COMBAT D'HIVER
(Pays-Bas)
LE COMBAT D'HIVER
(Roumanie)
LA RIVIÈRE À L'ENVERS 1 : TOMEK
(Russie)
LA RIVIÈRE À L'ENVERS 1 : TOMEK
(Lituanie)
LA RIVIÈRE À L'ENVERS 1 : TOMEK
(Roumanie)
LA RIVIÈRE À L'ENVERS 1 : TOMEK
(Corée)
LA RIVIÈRE À L'ENVERS 1 : TOMEK
(Taïwan)
LA RIVIÈRE À L'ENVERS 1 : TOMEK
(Allemagne)
LA RIVIÈRE À L'ENVERS 1 : TOMEK
(Turquie)
LA RIVIÈRE À L'ENVERS 1 : TOMEK
(Japon)
LA RIVIÈRE À L'ENVERS 1 : TOMEK
(Georgie)
LA RIVIÈRE À L'ENVERS 1 : TOMEK
(Chine)
L'ENFANT OCÉAN
(Estonie)
L'ENFANT OCÉAN
(USA)
L'ENFANT OCÉAN
(Vietnam)
L'ENFANT OCÉAN
(Italie)
L'ENFANT OCÉAN
(Corée)
L'ENFANT OCÉAN
(Taiwan)
L'ENFANT OCÉAN
(Chine)
LA RIVIÈRE À L'ENVERS 2 : HANNAH
(Allemagne)
LA RIVIÈRE À L'ENVERS 2 : HANNAH
(Corée)
LA RIVIÈRE À L'ENVERS 2 : HANNAH
(Japon)
LA RIVIÈRE À L'ENVERS 2 : HANNAH
(Taiwan)
LA RIVIÈRE À L'ENVERS 2 : HANNAH
(Géorgie)
L'HOMME À L'OREILLE COUPÉE
(Mexique)
L'HOMME À L'OREILLE COUPÉE
(Italie)
L'HOMME À L'OREILLE COUPÉE
(Allemagne)
LA BALLADE DE CORNEBIQUE
(Corée)
LA BALLADE DE CORNEBIQUE
(Japon)
LA TROISIÈME VENGEANCE DE ROBERT POUTIFARD
(Chine)
LA TROISIÈME VENGEANCE DE ROBERT POUTIFARD
(Taïwan)
L'HOMME QUI NE POSSÉDAIT RIEN
(Mexique)
L'HOMME QUI NE POSSÉDAIT RIEN
(Espagne)
LA BALAFRE
(Corée)
L'HOMME QUI LEVAIT LES PIERRES
(Taïwan)
LE JEUNE LOUP QUI N'AVAIT PAS DE NOM
(Corée)
SOUS LE GRAND BANIAN (album)
(Corée)
Le CETB (Centre de Transcription et d'Édition en Braille) a édité en 2002 mon roman La rivière à l'envers en braille et en trois volumes. J'ai évidemment donné mon autorisation et j'en ai eu l'extraordinaire récompense quelques mois plus tard à la Réunion. Je rencontrais une classe de non-voyants et un jeune garçon m'a fait une démonstration de lecture qui m'a sidéré. La tête un peu renversée en arrière, les doigts voletant sur les pages, il lisait à bonne allure: "Alors Tomek... accepta enfin l'idée que... c'était ainsi et pas autrement... qu'il faudrait patienter... et puis il ne servait à rien d'être triste... la tristesse est... impolie, se dit-il, et il prit... la résolution de penser davantage... aux autres et un peu moins... à lui même." C'était impressionnant et pour moi bouleversant. J'ai passé les doigts à mon tour sur les pages et bien sûr je ne sentais rien qu'un vague chatouillis. Je lui ai dit qu'il était un grand artiste et je le pensais.
L'HOMME QUI NE POSSÉDAIT RIEN
Les doigts qui rêvent
"P'tit rom' en braille"
2010
LA RIVIÈRE À L'ENVERS 1 : TOMEK
LA RIVIÈRE À L'ENVERS 2 : HANNAH
CTEB (Centre de Transcription et d'Édition en Braille)
3 volumes, BRL
2002