En 1990, j'ai créé un nouveau personnage, muet celui-ci : Guedoulde (j'ai francisé le mot allemand "Geduld" qui signifie "patience".) J'ai remplacé le chapeau par le béret et, surtout, j'ai perdu la parole. Le spectacle s'appelait "Parlez-moi d'amour" et il était tout public. J'ai pris un immense plaisir à le jouer pendant plusieurs années. Mon Guedoulde m'a emmené en tournée dans bien des pays : le Népal, l'Inde, le Pakistan, le Bangladesh, le Sri-Lanka, l'Indonésie, le Sénégal, la Tunisie...
PARLEZ-MOI D'AMOUR : Une comédie clownesque pour un personnage Un voyage haletant en quête de l'amour Un spectacle tendre et percutant La chanson immortalisée par Lucienne Boyer en 1930, et que Guedulde joue sur son lacet de chaussure, donne son titre à ce spectacle.
Guedoulde, qui est muet, reçoit un matin une lettre d'amour, véritable bombe atomique au milieu de sa solitude. La déflagration le jette sur la route pour 24 heures d'un voyage exalté et chaotique.
Tour à tour désemparé, balloté, secoué, frappé, il oppose à l'adversité du monde un optimisme sans faille, un balluchon de fortune et une indestructible fragilité.
J'interprétais avec un archet de violon la mélodie de "Parlez-moi d'amour" sur mon lacet de chaussure (remplacé par une corde de guitare). C'était un de mes passages préférés.
"Parlez-moi d'amour" était un spectacle visuel et très physique. J'ai perdu beaucoup de kilos sur les scènes de France et d'ailleurs. Ici, c'est dans les coulisses, quelque part en Inde.
Depuis deux siècles que les clowns s'appellent clowns, ils reproduisent à l'infini sous toutes ses formes et de toutes les façons un seul et même numéro : celui de l'homme debout qui tombe. L'homme debout c'est celui qui cherche à s'éloigner du sol. Le trapéziste et le penseur. Aussi haut qu'il s'élève dans l'espace ou dans l'abstraction, sa parodie n'est jamais loin : le clown veille. Il dit que la pesanteur existe. Il dit qu'il fait froid et qu'il fait chaud, qu'il a faim ou qu'il est amoureux. Beby, Porto, Rhum, Grock et leur grand-père Sancho Pança nous consolent de nos illusions perdues. Ils nous recueillent, déchus, et nous offrent la seule arme qui reste à l'homme assis sur son cul : le rire.
Jean-Claude Mourlevat
SACRÉ GUEDOULDE
C'était ce samedi écoulé au tour du clown muet Guedoulde de venir emballer le public de St-Just/St-Rambert. Et ce fut là un véritable triomphe.
Depuis l'arrivée de cette lettre d'amour qui va bouleverser l'esprit de ce clown si tranquille jusqu'à l'inoubliable concert de lacet, en passant par le voyage dans ce train qui s'emballe de plus en plus, chaque geste de l'artiste est attendrissant, percutant, inattendu car soudain. L'apothéose de cette soirée mémorable surgit dès l'instant où le comédien, qui durant 70 minutes a su tenir son public en haleine, s'offre le luxe d'interpréter "Parlez moi d'amour", la chanson immortalisée par Lucienne Boyer en 1930, en utilisant uniquement un lacet de chaussure et un de ces souliers en guise de pupitre pour sa partition musicale.
Du jamais vu, de l'inattendu qui fait exploser la salle. C'est avant tout de l'art clownesque, mais et surtout, c'est délirant... (La Tribune / Le Progès, janvier 1993)